Robert Freynet.
Robert Freynet.

Transformer une série de bandes dessinées offertes dans un journal, en un album pouvant se lire d’un trait, est un défi que Robert Freynet a pu relever, grâce à son sens de la narration… et son ordinateur!

Le tout premier tome de Riel, patriote, œuvre du bédéiste Robert Freynet, vient d’être lancé, ce vendredi 15 novembre, au Musée de Saint-Boniface, la veille de la commémoration de la mort du Père du Manitoba. Pour le Franco-Manitobain féru d’histoire, il s’agit d’un important jalon artistique, et d’un moyen défi d’adaptation.

« Lire une bande dessinée en album, ce n’est pas comme lire une page isolée, parue dans un journal, souligne Robert Freynet. Or, comme les fidèles lecteurs de La Liberté le savent, Riel, patriote, a d’abord été présenté dans le journal. Telles que conçues, chaque page devait donc être un épisode en soi, doté d’un début et d’une fin. Mais simultanément, l’histoire se développe. Il faut qu’un lecteur d’album, qui pourrait vraisemblablement lire le livre d’un trait, ressente cette continuité. La narration ne doit pas être conti­nuellement bousculée, ou tronquée. »

Ainsi, les lecteurs attentifs de Riel, patriote, qui ont parcouru la séquence telle que présentée dans La Liberté, constateront des différences, parfois très subtiles, entre sa présentation journalistique et la version album.

« Certaines redites, nécessaires pour rappeler aux lecteurs ce qui s’est tramé la semaine précédente, ont été éliminées, explique Robert Freynet. J’ai également changé ou éliminé certains dialogues. Parfois, on remarquera que les phylactères contenant les dialogues ont carrément disparu. Le tout pour améliorer le flot du récit. »

Ce genre de changements, subtiles et moins subtiles, n’ont pas toujours été possibles dans le monde de la production des bandes dessinées. Heureusement, les bédéistes ont accès à des logiciels flexibles.

Repenser le récit

« Lorsque j’ai réalisé La Vérendrye, explorateur, en 2002, je faisais tout à la main levée, explique Robert Freynet. Je ne pouvais pas changer les phylactères de place, ou encore les éliminer. Et le lettrage de chaque dialogue qu’ils contenaient était écrit à la main. C’était pénible. Et avant tout, il était extrêmement difficile d’effectuer des changements, même les plus petits. De nos jours, c’est facile! »

Moins facile est l’importance, dans le processus de l’écriture, de tenir compte de l’unité de chaque page, ainsi que de l’unité de l’histoire. Car les récentes modifications pour la mise en album de Riel, patriote, n’ont pas éliminé la tension entre les deux trames narratives.

« Pour les réconcilier, il a fallu que je pense à la présentation de l’histoire dès le début de sa création, soutient Robert Freynet. Et même en préparant chaque page pour sa parution dans La Liberté, je devais conserver une vue de l’ensemble. À mesure que j’avance dans mon travail, je prépare une copie de chaque nouvelle page, que j’ajoute à un calepin. Comme ça, je peux lire “l’album”, au fur et à mesure qu’il se développe.

« Un gain cependant, dans l’astuce de faire attendre le lecteur la prochaine édition du journal, c’est qu’on a le goût de tourner la page, conclut-il. Ça, je n’ai pas voulu l’éliminer! »

Daniel BAHUAUD