Du 28 novembre au 14 décembre, Le repas des fauves viendra éveiller l’animalité enfouie en chaque homme. Un procès de l’humanité et une plongée au cœur d’un pays ravagé par la guerre, mis en scène par Roland Mahé.
Si Roland Mahé a récemment quitté son trône de directeur artistique, il ne recule toutefois pas à se glisser dans le siège de metteur en scène. De quoi attiser les craintes de ceux qui redouteraient le manque de renouvellement artistique et de bouillonnement culturel au sein de la communauté.
Heureusement, Roland Mahé est de ceux qui se plaisent à expérimenter, à se lancer dans l’inconnu, dans l’inédit, ou dans le dérangeant. Et c’est dans cette dernière catégorie qu’il a choisi de se placer cette saison.
Du 28 novembre au 14 décembre, le Cercle Molière viendra ainsi faire résonner les lignes d’une pièce grave, frisant le sinistre, de Vahé Katcha et adaptée par Julien Sibre : Le repas des fauves.
L’intrigue est simpliste mais n’en touche pas moins à l’humanité dans ce qu’elle a de plus essentielle. Nous sommes en 1942, la France est occupée par les troupes allemandes. Dans ce désordre monumental orchestré par le régime hitlérien, quelques amis se retrouvent près de Paris afin de célébrer l’anniversaire d’un de leurs proches.
Sauf qu’au pied de l’immeuble dans lequel ils se trouvent, deux soldats allemands sont retrouvés morts. Le groupe de fêtards devient dès lors la triste cible de la Gestapo qui décide de prendre en otage deux invités, choisis au hasard par les amis réunis, pour un sort certainement aussi funeste que celui des deux soldats décédés.
La Gestapo leur laisse deux heures, pour terminer leurs festivités et leur permettre de désigner collectivement les futurs otages. Deux heures pour s’aimer et se déchirer, pour décider de la mort et se battre pour sa propre vie.
« Cette pièce est un procès fait à l’humanité, souligne Roland Mahé. Face à cette situation, on se découvre, les non-dits s’évaporent et on a enfin devant les yeux le pire et le meilleur de l’humain. » Une levée de rideau sur l’homme dans ce qu’il a de plus animal et immonde, le tout bercé par un suspens à la Hitchcock. « L’enfer c’est les autres », affirmait Sartre et cette pièce en est le terrible témoin.
| Une France aux multiples visages
Et en filigrane de cette intrigue tragique, l’œuvre de Vahé Katcha dresse un portrait cinglant de la France de 1942, cette grande dame endeuillée aux multiples visages. Dans un langage d’époque, chaque comédien incarne à sa façon une facette du pays. La France résistante. La France Gaulliste. La France Pétainiste. La France antisémite.
Huit personnages à l’image d’un pays éclaté, bourré de contradictions, dans laquelle il fallait jusqu’à s’armer de laissez-passer pour voyager d’un bout à l’autre, preuve intangible d’une hétérogénéité inscrite.
« Cette période terrible me fascine tant elle est pleine de contradictions, confie Roland Mahé. J’ai tenu à mettre en valeur ce contexte historique unique ou le monde des affaires collabore avec l’industrie de la guerre, où Paris est qualifiée d’ « heureuse» alors même que l’antisémitisme et la mort sont partout. »