Par Jean-Pierre Dubé
La Liberté du 27 novembre 2013
À sa première apparition au balcon du Vatican, le nouveau pape a prononcé ces paroles radicales. « Je voudrais donner la bénédiction, mais avant que l’évêque bénisse le peuple, je vous demande de prier le Seigneur afin qu’il me bénisse. »
Le pape François a reconnu qu’il avait besoin d’aide. Il venait d’accepter la responsabilité vertigineuse de diriger une église en faillite sur tous les plans : moral, social et financier. Dans les circonstances, les cardinaux avaient fait le meilleur choix : l’Argentin est un communicateur possédant l’esprit d’un jésuite, la compassion d’un oblat et l’humilité d’un franciscain.
Depuis le 13 mars, Jorge Bergoglio n’a cessé d’étonner. Il a critiqué la hiérarchie pour les habits de soie rouge, la vie de monseigneur et la fixation sur les intrigues romaines. Il a décidé de vivre en appartement et de se faire lui-même à manger. Il tente de vivre ce qu’il enseigne. Et tout à coup les paroles sonnent moins creuses.
« Les maux les plus graves qui affligent le monde aujourd’hui, a-t-il déclaré au journal La Repubblica, sont le chômage des jeunes et la solitude dans laquelle sont abandonnés les vieillards. Les personnes âgées ont besoin de soins et de compagnie; les jeunes de travail et d’espérance, mais ils n’ont ni l’un ni l’autre et, hélas, ils ne les recherchent même plus. Ils ont été écrasés par le présent. »
Ses paroles sur l’inclusion des homosexuels, divorcés et athées constituent une ouverture sans précédant. « Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives. Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, autrement l’édifice moral de l’Église risque de s’écrouler comme un château de cartes. »
Le Vatican a lancé en novembre une consultation mondiale sur la pastorale familiale. Un document de réflexion comprenant 39 questions a été envoyé aux évêques, chargés de consulter les paroissiens en vue d’un synode en octobre 2014.
L’enjeu principal est de voir comment assouplir les pratiques pastorales pour renforcer l’accès aux sacrements. Le questionnaire porte sur la contraception, le mariage de divorcés, l’union libre, le mariage gay et l’adoption d’enfants par ces couples. On peut y répondre en ligne d’ici la fin décembre.
Le pape François n’est pas en mode de recrutement mais de guérison. « Si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle cherche Dieu, qui suis-je pour la juger? L’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. » C’est un baume au cœur des paroissiens de la seule église canadienne officiellement ouverte aux gays.
Fondée en 1851, la paroisse Saint-Pierre-Apôtre, située en plein Village gay de Montréal, est dirigée par les oblats. En 1995, le diocèse lui a donné une mission d’un accueil inconditionnel. L’intervenant de pastorale n’est pas un prêtre mais un laïc homosexuel.
L’Église de François ne s’annonce pas sur la défensive comme l’ancienne. « Nous ne devons pas réduire le cœur de l’Église universelle à un nid protecteur de notre médiocrité, a-t-il lancé. L’Église doit soigner les blessures de la société au lieu de rester obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines qu’il faut imposer avec insistance. »
Quelle sera la réponse des diocèses? Dans La Liberté du 13 novembre, l’archevêque de Saint-Boniface a reconnu les difficultés affectant le recrutement du clergé. « La question du célibat des prêtres et la triste histoire des abus sexuels, affirme Mgr Albert LeGatt, sont des raisons qui ont contribué à fermer beaucoup de cœurs. »
Il est heureux de constater que, 20 ans après le scandale de la pédophilie, le diocèse tente une démarche de réconciliation auprès des paroisses affectées. L’approche préconisée pour pallier à la pénurie de pasteurs, par contre, ressemble à un retour en arrière.
Depuis 40 ans, l’élite catholique a surtout fui le sacerdoce et refusé les sacrements. Mais elle n’a pas disparu. Bien des femmes et des hommes possèdent l’esprit, la compassion et l’humilité pour le service pastoral. Inspirés par François 1er, peuvent-ils espérer qu’on leur fasse une place? Et pas juste en attendant de trouver des prêtres.