Maria Chaput.
Maria Chaput.

Le procureur général du Manitoba, Andrew Swan, veut abolir le Sénat. La sénatrice, Maria Chaput, et la Société franco-manitobaine, estiment que la chambre haute a bien défendu les minorités linguistiques, et n’a qu’à être réformée.

Le gouvernement Selinger s’est rangé du côté des partisans de l’abolition du Sénat canadien, le 26 novembre dernier, lorsque le procureur général du Manitoba, Andrew Swan, a déposé une motion à l’Assemblée législative demandant au gouvernement fédéral d’entamer des consultations avec les provinces, dans le but d’éliminer la chambre haute.

« Nous croyons que l’abolition, et non la réforme du Sénat canadien, est la meilleure option, déclare Andrew Swan. Le Sénat actuel est une institution non démocratique où les sénateurs sont nommés par le premier ministre. La partisanerie joue toujours dans le choix. Les sénateurs siègent selon le gré des Libéraux ou des Conservateurs, et votent selon les politiques et la volonté de leurs partis respectifs. »

On se rappellera que la Cour suprême du Canada a tenu, du 12 au 14 novembre dernier, des audiences avec des représentants du gouvernement fédéral et des Provinces, pour obtenir un éventail d’opinions concernant l’avenir du Sénat. La consultation a été demandée par le premier ministre, Stephen Harper, qui estime que le Sénat pourrait être réformé ou aboli avec l’aval de sept des dix provinces représentant au moins la moitié de la population canadienne.

L’opinion des juges de la Cour suprême ne sera connue qu’en février au plus tôt. Or, plusieurs provinces ont déjà exprimé leur point de vue. L’Ontario cherche à réformer le Sénat. La Saskatchewan, tout comme le Manitoba, voudrait le voir aboli.

| Défendre des minorités

Le président-directeur général de la Société franco-manitobaine (SFM), Daniel Boucher, et la sénatrice, Maria Chaput, voient la situation d’un tout autre œil.

« La SFM est contre l’abolition du Sénat, puisque la Chambre haute nous permet d’avoir de la représentation, affirme Daniel Boucher. Au fond, c’est pour cela que le Sénat a été créé; il tient compte des intérêts de tous les Canadiens. Aboli, nous perdrions une série de voix, notamment la sénatrice franco-albertaine, Claudette Tardif et la sénatrice franco-manitobaine, Maria Chaput, qui mettent à l’avant-plan les dossiers des minorités francophones.

« Le premier ministre manitobain, Greg Selinger, connaît bien notre position, poursuit-il. Il sait que la SFM est déçue par l’avenir que préconise son gouvernement quant au Sénat. »

Maria Chaput se dit également déçue. « J’ai participé aux consultations sur le Sénat entamées par la Province en 2009, explique-t-elle. Ce qui me déçoit est qu’en aucun temps il n’a été question de la protection des minorités linguistiques et des Autochtones. Beaucoup de Canadiens estiment qu’une chambre non élue n’est pas démocratique. Je comprends le point de vue. Mais ayant vu de près combien les sénateurs travaillent pour le bien des Canadiens, j’estime que la situation ne s’exprime pas en termes aussi catégoriques. Il nous faut cette deuxième chambre, réformée afin qu’elle soit indépendante et non partisane. »

Andrew Swan n’est pas du même avis. « Le Nouveau parti démocratique (NPD), et son ancêtre, le Parti social démocratique du Canada, ont souligné la teneur non démocratique du Sénat depuis les années 1930, rappelle-t-il. Depuis, les Canadiens ont adopté, en nombres toujours croissants, le même avis. On ne s’étonnera pas que le chef du NPD du Canada, Thomas Mulcair, préconise son abolition.

« Quant aux minorités linguistiques, il est certain que la sénatrice Chaput, et d’autres encore, font du travail impressionnant, poursuit-il. Mais il existe d’autres moyens politiques, et d’autres garanties, notamment la Charte canadienne des droits et libertés, pour faire avancer leur cause. »

Le commentateur politique, Michel Lagacé, estime quant à lui que la position du gouvernement Selinger est prématurée.

« Il faudrait que la Cour suprême tranche la question sur la formule d’amendement constitutionnel nécessaire pour effectuer tout changement au Sénat, rappelle-t-il. Et puisque cela pourrait prendre encore un an, je ne vois rien de sérieux dans la démarche du gouvernement manitobain. Étant donné le comportement de certains sénateurs et le scandale des dépenses au Sénat, c’est une distraction pure et simple sur un sujet populaire. »

Daniel BAHUAUD