À quelques mois de la fin de son bail avec le Centre culturel franco-manitobain, le propriétaire du restaurant Chez Cora appréhende que son contrat ne soit pas renouvelé.

Pendant ce temps, les dirigeants du CCFM souhaitent avoir à cet emplacement, un restaurant qui réponde à leur nouvelle vision.

La franchisée de Chez Cora, Tina Wood pense pouvoir s'adapter à la nouvelle vision du CCFM et ne comprend donc pas pourquoi son actuel restaurant ne bénéficie pas du premier droit de refus pour renouveler son bail.
La franchisée de Chez Cora, Tina Wood pense pouvoir s’adapter à la nouvelle vision du CCFM et ne comprend donc pas pourquoi son actuel restaurant ne bénéficie pas du premier droit de refus pour renouveler son bail.

Le bail du restaurant Chez Cora situé dans les locaux du Centre culturel franco-manitobain (CCFM) arrive à son terme le 31 août prochain. À six mois de la fin de ce contrat, les propriétaires craignent une fin malheureuse de ce partenariat qu’ils ont noué au fil des années avec la communauté.

« On est ici depuis dix ans, rappelle la franchisée de Chez Cora à Saint-Boniface, Tina Wood. On a tout donné pour que ce restaurant fonctionne. On a tissé des liens avec la communauté et différents organismes qu’on encourage en aidant pour les déjeuners aux crêpes par exemple et maintenant, on veut nous mettre à la porte! »

Tout compte fait, le 1er septembre prochain, le restaurant Chez Cora pourrait ne plus exister dans les locaux du CCFM. Même si cela fait plusieurs mois que les propriétaires avaient des soupçons sur le non renouvellement de leur bail, ils pensaient qu’une entente serait encore possible. C’est une visite des lieux par des membres du CCFM durant le mois de janvier dernier qui leur a mis la puce à l’oreille.

« Ils ont amené des gens regarder la place. C’est là qu’on a compris qu’ils étaient en train de chercher activement autre chose et qu’ils n’allaient pas renouveler automatiquement notre bail, déplore Tina Wood. On a alors décidé de leur parler mais ils n’ont pas voulu. On a essayé plusieurs fois et on n’a jamais pu s’asseoir pour négocier. »

| Le CCFM et sa nouvelle vision

De son côté, le CCFM assure que ces changements se font en lien avec sa nouvelle vision. « Notre but est de mettre en place une vision pour l’avenir, souligne la directrice générale du CCFM, Sylviane Lanthier. Une vision qui est d’avoir un CCFM plus occupé et dynamique. Et ça comprend un restaurant ouvert en soirée. »

« C’est bizarre que le mandat n’ait pas changé et qu’on nous dise qu’on ne répond plus à la mission et à la vision du CCFM », s’étonne Tina Wood. Mais pour les responsables du CCFM, il ne s’agit aucunement d’un acharnement contre Chez Cora. Les nouveaux locataires de cet emplacement devront répondre à des critères comme « le service en français, les activités en soirée et une collaboration qui permet de s’entraider pour les activités culturelles, confie Sylviane Lanthier.

« On dit aux gens intéressés qui viennent nous voir, “voici ce qu’on vous donne comme contraintes”. C’est à eux de proposer un plan d’affaire, poursuit-elle. Le prochain locataire pourrait être Cora ou un autre restaurant. On est ouverts aux propositions de tous les restaurateurs ».
« Comme on n’a pas pu parler avec le CCFM, j’ai finalement écrit une lettre et ils nous ont répondu en nous disant qu’on peut faire une offre à notre agent immobilier jusqu’au 28 février », confirme Tina Wood.

| Et la communauté dans tout ça?

Selon le président de l’Association des résidents du Vieux Saint-Boniface, Mathieu Allard, cette décision du CCFM n’a rien de surprenant. « On comprend et on appuie la décision du CCFM, affirme-t-il. Si on peut utiliser l’espace pour qu’il concorde plus avec la mission du CCFM, ce serait bien.« Mais on aime beaucoup Chez Cora et on apprécie leur service dans la communauté, poursuit-il. On serait content de les voir trouver une autre place à Saint-Boniface pour continuer à nous desservir. »

Mais les responsables n’envisagent pas du tout cette option. « Impossible, lance Tina Wood. On ne pourrait pas! ». Elle affirme aussi que depuis leur arrivée au CCFM, leur clientèle n’a cessé d’augmenter. « Nous avons près de 100 000 clients par année, confie-t-elle. Et c’est parce qu’ils sont satisfaits qu’ils reviennent. Il y a plein de gens qui ne sont pas contents d’entendre qu’on va peut-être partir. »

| Les conséquences d’un départ

Malgré tout, les responsables de Chez Cora digèrent très difficilement la proposition qui leur a été faite par le CCFM. « Juridiquement, ils ne sont pas obligés de renouveler le bail, note un partenaire de Chez Cora, Clément Perreault. Mais on aurait aimé une procédure transparente.
« Quand ils nous ont fait venir, Chez Cora a mis 800 000 $ dont 483 000 $ en infrastructure, renchérit-il. Personne ne prendrait un tel risque en sachant qu’il n’y aurait pas de renouvellement de bail ». « Si on part, on perd tout. On a mis trop d’argent dedans », ajoute Tina Wood.
De plus, Chez Cora affirme que c’est la trentaine d’employés qui devra être mise à la porte. « Notre but n’est pas d’occasionner des pertes d’emplois, assure Sylviane Lanthier. Que ce soit Chez Cora ou le prochain locataire, ils chercheront aussi des employés ».
Mais un départ de Chez Cora pourrait aussi avoir un impact financier sur le CCFM pense des responsables de Chez Cora. « Neuf restaurants sur dix vont faire faillite dans la première année, confie un dirigeant de la franchise Chez Cora, Benoit Morel. Changer, c’est aussi prendre des risques car ça peut occasionner une perte significative. »
Face à l’impact du non renouvellement de bail, Chez Cora préfère jouer la carte de la négociation. « Une de leur plus grande préoccupation, c’est que Chez Cora ferme trop tôt », constate Clément Perreault. « J’ai plein d’idées, martèle Tina Wood. Fermer plus tard, avoir un bar etc, mais je veux qu’on s’asseye pour discuter. » Mais pour le moment, Sylviane Lanthier préfère qu’ « ils envoient une proposition à notre agent ».

En attendant, Chez Cora comme les autres restaurateurs qui frappent à la porte du CCFM ont jusqu’au 28 février pour déposer leur offre qui sera étudiée de façon convenable car, « ce site est important pour continuer à donner une image très vivante de la communauté », conclut Sylviane Lanthier.

Wilgis Agossa