Le court-métrage de Danielle Sturk, Treaty Number Three, a été sélectionné à la 32e édition du Festival International du Film sur l’Art qui se déroule du 20 au 30 mars à Montréal. Plus grande manifestation internationale du genre, cet évènement est aussi un tremplin pour la cinéaste.
Tout a commencé par un courriel reçu dans la messagerie de Danielle Sturk. « Vous êtes parmi les sept vidéastes sélectionnés par le Conseil des arts du Canada pour réaliser les vidéos des lauréats 2013 des Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques. »
Elle se retrouve en charge de réaliser le portrait vidéo de l’artiste avec qui elle est jumelée : Rebecca Belmore. L’une est lauréate du Prix du Gouverneur général de 2013 en arts visuels et médiatiques, connue nationalement, l’autre cinéaste indépendante. L’une, fraîchement arrivée à Winnipeg, l’autre, y a grandi.
L’une, artiste autochtone de la performance, des arts visuels et médiatiques, et l’autre, réalisatrice francophone et ex-artiste de la danse.
« Unies sur ce terrain possiblement commun qu’est la perte de sa langue, la lutte pour sa langue ou la recréation de sa langue », relate Danielle Sturk.
Rebecca Belmore arrive de l’Ontario avec quelques bagages et des idées de projets plein la tête. Mais sans atelier, sans pratique artistique concrète, quel visuel pour les images de Danielle Sturk? À 15 jours de l’échéance, la mémoire de la caméra est vide. Danielle Sturk réserve un studio, s’équipe de deux ou trois éclairages et les deux artistes se mettent au travail. Rebecca Belmore crée une œuvre spécialement pour la caméra, « en plein mouvement Idle No More à Winnipeg et au moment de la grève de la faim de la chef Spence à Ottawa », contextualise la réalisatrice.
Résultat, un court-métrage de quatre minutes sur la musique d’Oscar Fenoglio, aussi directeur de la photographie et monteur. Sur les images, Rebecca Belmore manie le pinceau et recouvre un papier blanc épais d’écritures rouges et noires recopiant une phrase prononcée en 1873 par le chef Mawe-do-pe-nais, lors des négociations des traités portant sur les terres ancestrales de Belmore. « Vous devez vous rappeler que nos cœurs et notre mémoire sont notre papier; nous n’oublions jamais. »
Ces mots, elle les plonge dans l’eau, qui, écrits à l’encre permanente, ne s’estompent pas. Elle les tord, les écrase, les manipule, les déchiquète, ces mots qui avaient été prononcés lors d’une négociation sur une entente entre ces deux cultures. Une entente vieille de 150 ans, qui pour elle n’est pas respectée, synonyme d’une colonisation qui se poursuit.
De ce papier abîmé, elle confectionne une robe qui habille une femme de sa communauté, de la nouvelle génération. Au niveau du cœur de la jeune femme, elle trace un « X » : signature d’un testament moderne ou symbole du silence qui entoure la question autochtone?
« C’est une image très puissante qui m’a beaucoup marquée, raconte Danielle Sturk. C’était fascinant de travailler avec une artiste si engagée quant à son identité, son histoire et la condition des femmes ».
Pour son travail d’artiste, Rebecca Belmore a obtenu le Prix du gouverneur général en 2013. Cocasse, pour une femme qui rejette la couronne britannique. Ce prix, elle l’a tout de même accepté, mais a remercié le gouverneur dans la langue de sa communauté, s’en s’excuser de son engagement.
Du 20 au 30 mars, Danielle Sturk présentera Treaty Number Three au Festival International du Film sur l’Art à Montréal. Une manière pour la réalisatrice de sortir le nez de la postproduction de son long-métrage sur la chorégraphe Rachel Browne et d’aller voir ce qui se fait ailleurs. « Ce sera aussi l’occasion pour moi de participer à mon premier marché international. Me faire des contacts, présenter mon travail à des distributeurs étrangers et faire voyager l’œuvre de Rebecca Belmore », conclut Danielle Sturk.
Visionnable sur le site Internet de l’artiste, Treaty Number Three fera aussi le tour des écrans winnipégois, notamment au festival du documentaire Gimme Some Truth le 23 mars, à 19 h à la médiathèque.