Le Cercle Molière présente du 27 mars au 12 avril sa quatrième pièce de la saison 2013-2014 : Le Dieu du carnage. Une œuvre dans laquelle Yasmina Reza questionne l’animalité inhérente aux sociétés dites civilisées.
Mariam Bernstein se campe à la frontière. Du théâtre anglophone et de la scène francophone. De la mise en scène et de la comédie. De la civilisation et de la sauvagerie. C’est en effet la première fois que cette artiste, anglophone d’origine et comédienne de formation, se met au service d’un théâtre francophone.
Tel a été le pari risqué fait par la directrice artistique du Cercle Molière (CM), Geneviève Pelletier. « Geneviève est venue me voir afin que je mette sur pied une pièce d’une artiste que j’affectionne particulièrement, Le Dieu du carnage de Yasmina Reza », raconte Mariam Bernstein.
Il faut dire que la littérature francophone, elle l’a d’ores et déjà côtoyée. Après avoir étudié en 1988 à l’École nationale de théâtre du Canada, située à Montréal, elle ajoute désormais un Molière à sa liste de dramaturges favoris. William Shakespeare et Tennessee Williams n’ont qu’à bien se tenir.
Les dés sont donc jetés : il incombe à la comédienne de mettre sur scène en quatre semaines et demie, « une vraie richesse comparée aux trois semaines et demie dont on dispose généralement de l’autre côté de la rivière », l’œuvre intégrale de Yasmina Reza.
« J’ai découvert la pièce pour la première fois à New-York il y a deux ans, confie Mariam Bernstein. J’en suis tombée littéralement amoureuse. » Raison pour laquelle cette artiste déterminée s’est lancée dans une mise en scène rigoureuse du texte qui sera présentée au CM du 27 mars au 12 avril.
Quatre comédiens au total : Nicole Beaudry, Christian Beaudry, Alicia Johnston et Yvan Lécuyer, constamment réunis sur scène.
Une scène agrémentée d’un décor simpliste comme le suggère l’ouvrage dans ses premières pages : « un salon, pas de réalisme, rien de superflu ».« Chaque élément du décor possède une fonction précise, explique Mariam Bernstein. S’ils sont là c’est qu’ils ont été mentionnés dans l’ouvrage. »
Comme une chronologie visuellement inscrite, chaque objet scénique devient donc un indice temporel. La pièce se déroule à mesure que le décor prend sens. Et on ne peut que se réjouir de cette singularité car l’histoire, au contraire, vient brouiller les pistes et immiscer le doute chez le spectateur.
À l’origine, une trame facile : Un enfant de 11 ans, Ferdinand Reille, en frappe un autre du même âge, Bruno Houillé. Leurs parents choisissent de régler l’affaire à l’amiable chez les Houillé. Seulement voilà, derrière cette bienséance de mise et cette courtoisie apparente, les familles sont comme chaque homme. Des animaux en sommeil.
« Progressivement, la pièce vient révéler une tension présente en chacun de nous, analyse Mariam Bernstein. La tension entre nos instincts primaires et nos comportements civilisés. » En effet, à mesure que les discussions progressent, plusieurs questions émergent : En quoi un enfant de 11 ans est-il responsable de ses actes? N’est-il pas encore sauvage?
Et une fois adulte, sommes-nous véritablement civilisés? Dès lors, le texte prend une tournure philosophique intrigante.
Il ne s’agit plus seulement de lire du théâtre, mais bien plus de réfléchir à la nature même de l’être humain et à ce qui le distingue des autres animaux. Et entre les uns prêts à accepter leur bestialité et les autres, hardis défenseurs de mœurs policées, respectables et respectées, l’issue de la pièce est inéluctable. Comme le titre le suggère si bien : c’est le carnage.