La Liberté ÉDITO

Par Jean-Pierre Dubé

@jeanpierre_dube

La Liberté du 14 mai 2014

 

Les choses continuent comme elles ont commencé, selon le vieux dicton. Et les premiers pas de la démarche des États généraux (ÉG) annoncés par la Société franco-manitobaine (SFM), fin avril, paraissent chancelants.

Il est question de mobilisation communautaire, d’un calendrier de quatre ans et d’un comité pour aviser le Conseil d’administration (CA). En partant, on constate un déséquilibre potentiel identifié par plusieurs, dont la présidente de la SFM au moment des derniers ÉG.

Dans une lettre à La Liberté de janvier, Lucille Blanchette rappelait un enjeu de processus fondamental : le défi de l’engagement communautaire « dans la préparation autant que dans le suivi » aux ÉG de 1988.

« À certains moments j’avais eu l’impression que la SFM était devenue une cible et non un des joueurs parmi plusieurs. Notre CA a eu beau organiser des tables rondes par secteurs (…), le degré d’engagement laissait parfois à désirer parce que nous n’avions pas, avant les ÉG, saisi les organismes clés de leur importance. Du moins pas assez et pas tous. Les ÉG étaient perçus comme la responsabilité de la SFM seule. »

La SFM de 2014 s’est procurée une certaine crédibilité en créant un comité de cinq personnes d’envergure pour la conseiller. Doit-on comprendre qu’elle a décidé d’assumer la pleine responsabilité de l’exercice, c’est à dire les orientations, risques, bénéfices et résultats? Est-ce bien le mandat confié lors de l’assemblée d’octobre?

On parle des ÉG de la SFM ou de la communauté? La responsabilité ne devrait-elle pas être partagée ou confiée à un tiers, par exemple une commission? Le choix de partenaires sectoriels d’envergure ne manque pas, en commençant par l’Université de Saint-Boniface.

D’autant plus qu’après 50 ans, comme il y a 25 ans, un questionnement sur le rôle de l’organisme porte-parole est manifeste. Plusieurs conditions communautaires ayant entraîné la fin de l’Association d’éducation des Canadiens français du Manitoba dans les années 1960 ne sont-elles pas encore réunies? Désaffectation, démobilisation, changement de valeurs, de priorités et d’identités? La SFM peut-elle assumer les rôles de défendeur, juge et jury des ÉG?

L’organisme prévoit six mois pour élaborer la forme de la consultation. Ce temps est nécessaire. La démarche sera présentée le 17 octobre, selon la SFM, au lendemain de son Assemblée annuelle. Mais la question sera tranchée comment et par qui?

L’organisme lancera-t-il la démarche comme un fait accompli ou fournira-t-il l’occasion aux membres d’en débattre et de se prononcer publiquement? Il y a toute une différence en termes d’appropriation. Avec un consensus sur le comment au début, on peut éviter un barrage de critiques qui minerait la légitimité des résultats à la fin. Le processus adopté devrait prévoir tous les moments de décision en cours de route par une assemblée générale.

Cela suppose qu’on ait précisé l’aboutissement du projet. En fait, que sont au juste ces ÉG : une grande consultation, un gros rassemblement ou un plan stratégique? Normalement, les moyens sont élaborés en fonction de finalités : renouvèlement structurel, vision, projet d’avenir? Quel sera le livrable : un rapport, un plan, une charte? On ne peut élaborer la démarche qu’en fonction de résultats visés. Mettons en partant les bœufs devant la charrue.

Comment espère-t-on maintenir un momentum pendant quatre ans? Cela paraît impossible. Quelles conditions de participation doit-on créer et nourrir pour assurer un engagement optimal du début à la fin?

Le message de Lucille Blanchette est clair : « Les premiers ÉG se sont éternisés sans pour autant en améliorer les résultats et le suivi. On peut nous pardonner d’y être allés à tâtons dans un champ nouveau. Une meilleure planification s’impose. »

Le champ n’est pas nouveau mais le terrain doit être cultivé. C’est le moment d’embarquer. N’attendons pas d’être consulté pour s’exprimer.