Tout en composant avec le défi d’élever un enfant atteint d’une tumeur cérébrale, Amy Millette et Maurice Amyotte ont dû bouleverser leur vie familiale, en passant du français à l’anglais.

Amy Millette (au centre) et ses deux filles, Jolie (à la gauche) et Paisley (à la droite).
Amy Millette (au centre) et ses deux filles, Jolie (à la gauche) et Paisley (à la droite).

Plusieurs centaines de bénévoles engagés ont participé, le 1er juin dernier, au Sprint du printemps de la Fondation canadienne des tumeurs cérébrales, qui avait lieu au parc Assiniboine à Winnipeg. Or pour Amy Millette, qui a un enfant atteint d’une tumeur cérébrale, il s’agissait de bien plus qu’une simple collecte de fonds pour les malades et leurs familles.

« C’était mon tout premier Sprint du printemps, et j’en ressors très émue, tant les bénévoles se sont montrés solidaires à notre cause, déclare Amy Millette. Ma propre équipe, Life’s Little Miracles, a réussi à amasser 1 600 $. C’est extraordinaire. Les gens appuient beaucoup le Sprint du printemps. Non seulement par un don d’argent, mais par leur présence et leur bienveillance. »

La Franco-Ontarienne, aujourd’hui résidante d’Élie au Manitoba, avait besoin de ce genre d’appui compatissant, en février 2013, alors qu’elle et son mari, Maurice Amyotte, ont découvert que leur fille, Paisley, à peine âgée de huit mois, était gravement malade.

« Paisley dormait mal, et vomissait beaucoup, raconte Amy Millette. On s’est rendu à l’urgence au Children’s Hospital de Winnipeg. Paisley a été admise tout de suite, tant son état paraissait sérieux. Deux médecins estimaient qu’il s’agissait d’un simple reflux d’acide gastrique. Mais ils ont consenti à lui faire passer une batterie de tests, notamment des scans IRM et CT. C’est alors qu’ils ont pu déterminer qu’il y avait deux tumeurs dans son cerveau. »

Le 12 février 2013, Paisley a subi sa première opération. Les médecins ont réussi à enlever la plus grosse des tumeurs. La deuxième, située près du tronc cérébral, était inopérable et cancéreuse.

« Paisley a une tumeur rhabdoïde atypique tératoïde, explique Amy Millette. C’est une tumeur extrêmement rare, dont la chance de survie est d’environ 10 %. Parce que le tronc cérébral joue un rôle clé dans les fonctions autonomes du corps, c’était possible que son cœur, ou encore ses poumons, s’arrêtent. Elle pouvait soudainement devenir aveugle ou sourde. »

Les traitements agressifs ont commencé le 4 mars 2013. Paisley a reçu deux traitements de chimiothérapie et deux greffes de cellules souches.

En 2014, à la veille de fêter son deuxième anniversaire, Paisley est stable. « On a bon espoir de croire qu’elle s’en sortira, déclare Amy Millette. Bien sûr, on est toujours aux aguets. Heureusement qu’on est entouré de gens compatissants, des familles qui ont vécu une expérience semblable à la nôtre. Mais au début, nous étions, Maurice et moi, sous le choc. Il fallait faire le deuil de la vie normale que notre enfant était censée avoir. Ce n’était pas toujours évident. »

| L’impact sur la langue

Surtout que la tumeur de Paisley a eu un impact imprévu sur la langue parlée par sa famille francophone.

« Il a fallu virer à l’anglais, pour faciliter la communication avec Paisley, souligne Amy Millette. En plus du risque de perte de l’ouïe causé par la tumeur, un des médicaments administrés durant la chimiothérapie peut, lui aussi, provoquer une surdité. On nous a expliqué qu’il serait préférable de choisir une langue, non pas deux, pour ne pas semer la confusion chez elle. Étant donné le fait que les médecins, infirmières et nombreux membres du personnel de soutien médical qui doivent communiquer avec Paisley sont anglophones, le choix de langue à privilégier était évident.

« La décision était très difficile, poursuit-elle. D’autant plus que nous avons une deuxième fille, Jolie. Nous sommes francophones. Nous avons quitté l’Ontario pour nous établir dans une communauté bilingue, pour exposer davantage nos enfants à notre langue. Maurice et moi voulions que les enfants gardent leur français, surtout à la maison. Pour l’instant, les choses se passent en anglais avec Paisley. Et Jolie nous parle de moins en moins en français. »

Amy Millette ne perd pas pour autant espoir. « Maurice et moi avons tenu le coup en ce qui concerne la santé de Paisley, fait-elle remarquer. On a gardé espoir même lorsque tout semblait perdu. Si l’état de Paisley continue à demeurer stable, on espère un jour recommencer à lui parler en français. Quant à sa sœur, Jolie, qui n’est pas encore d’âge scolaire, on songe avoir recours à l’immersion. La décision n’a pas encore été prise, mais il doit y avoir des solutions positives. »

Daniel BAHUAUD