La Liberté ÉDITO

Par Jean-Pierre Dubé

@jeanpierre_dube

La Liberté du 1er octobre 2014

Un pape est un saint. Après sa mort, il ira directement au ciel. Un procureur est facilement corrompu : l’enfer le guette. L’actualité nous livre deux grands égarés.

Jorge Bergoglio est mieux connu comme François 1er. Le 14 septembre, il a célébré au Vatican le mariage d’une vingtaine de couples dont le parcours défie le droit canonique.

Malgré l’interdiction, des conjoints de mariages annulés, d’unions libres et de familles reconstituées ont reçu les sacrements, à quelques semaines d’un synode mondial sur la famille et le mariage.

Le message est clair : « Le mariage n’est pas un chemin facile, c’est un voyage parfois conflictuel, mais c’est la vie. » Le pape veut libérer de leurs chaînes les catholiques de bonne foi rattrapés par l’humaine condition.

Le Canada connaît un procureur général, Peter MacKay, déterminé à mettre sous les verrous autant de citoyens que possible. Quitte à défier le droit constitutionnel.

Le ministre de la Justice vise les contrevenants violents et non violents, les consommateurs et trafiquants de drogues, les terroristes, les syndicats, les médecins offrant de l’aide médicale à mourir, les prostituées, leurs clients et autres dépravés.

Ses démêlés avec la loi sont nombreux. Les tribunaux l’ont contredit notamment sur la réforme du Sénat, la libération conditionnelle de contrevenants non violents, la culture de la marijuana, la surcharge financière imposée aux contrevenants, les coupures aux services de santé destinés aux réfugiés, l’abolition rétroactive de la libération conditionnelle précoce et la nomination d’un juge à la Cour suprême. Le gouvernement se prépare à légiférer pour retirer le passeport aux djihadistes canadiens, une mesure désavouée.

Mais ce qui dérange surtout, c’est la contestation de l’autorité dont les conservateurs sont fiduciaires, se comportant en délinquants systémiques.

Le ministre a fait sourciller récemment en déclarant qu’il n’allait pas tenir compte du jugement de la Cour suprême sur la protection de la vie privée (l’accès aux coordonnées des citoyens via les fournisseurs d’Internet). Sur la prostitution, il a élaboré un projet encore plus sévère que la loi invalidée, reconnaissant la probabilité de contestations.

Le gouvernement a été surpris en flagrant délit de blanchiment de juge pour la Cour suprême. Depuis l’échec de son projet de réforme du Sénat, il ne nomme plus de sénateurs. Et il refuse souvent de répondre durant la période de questions au Parlement. La dysfonction approche le point de rupture.

En août, Peter MacKay a déshonoré ses fonctions en portant un t-shirt du lobby des armes, le groupe voué « sans compromis » à éliminer tous les contrôles au Canada. Le défenseur de la loi et l’ordre s’est tiré dans les deux jambes avec une mitraillette. Il a affiché ses vraies couleurs au moment où s’amorce la campagne électorale de 2015.

Le procureur veut cimenter le vote religieux du parti. Le pape n’a pas cette contrainte : il est élu pour l’éternité. Les écarts de l’un sont tout à fait appropriés. Les outrages de l’autre ne devraient pas être tolérés.