Drôle la politique parfois. Plus on s’éloigne de son arrière-cour, plus on devient important. Même si ce n’est que pour être simple député d’arrière-ban. Il semble qu’un député à Ottawa vaut 10 préfets de municipalités rurales.

Le mercredi 22 octobre 2014 demeurera plus présent pour certaines personnes que d’autres. C’est le cas de la famille, des collègues et des amis du caporal de 24 ans Nathan Cirillo ainsi que de la famille de son meurtrier de 32 ans Michael Zehaf-Bibeau.

C’est aussi le cas des députés, sénatrices, sénateurs, fonctionnaires, journalistes et autres qui étaient dans les édifices du Parlement en ce matin qui devait être comme les autres. De multiples coups de fusil dans un endroit clos donnent un son et une odeur qui ne s’oublient pas.

Au Manitoba, le mercredi 22 octobre était aussi journée d’élections municipales. Une journée inoubliable pour les centaines de femmes et d’hommes qui attendaient le verdict populaire. À travers la province, des centaines ont gagné leurs élections, comme on dit. Encore plus les ont perdues.

Les élections municipales de 2014 ont établi pour les quatre prochaines années la composition des 137 conseils municipaux de la province. De ce nombre, 48 ou plus du tiers ont à leur tête un préfet ou un maire élus sans concurrence.

À Saint-Pierre-Jolys, population : 1 099, il n’y a pas eu d’élection. Tous les postes ont été comblés par acclamation. À Sainte-Anne-des-Chênes, population : 1 626, c’est le contraire. Treize personnes convoitaient l’un des quatre postes de conseiller et deux personnes celui de maire. C’est un renouveau complet : le maire et les quatre conseillers sortants ont été remerciés de leurs services.

Dans la municipalité rurale de La Broquerie (pop. 5 198), la municipalité manitobaine ayant la plus forte croissance démographique entre 2006 et 2011, il y avait trois aspirants pour le poste de préfet et dix pour les six postes de conseiller. Par contre, les trois postes prévus pour le district urbain local de La Broquerie (un village qui n’est pas un vrai village puisqu’il relève de la municipalité rurale) ont été comblés sans concurrence.

Même situation à Notre-Dame-de-Lourdes (pop. 683) et Somerset (pop. 439) qui sont maintenant deux des quatre districts urbains locaux de la municipalité rurale de Lorne, et à Saint-Claude (pop. 590) qui est maintenant l’un des trois districts urbains locaux relevant de la municipalité rurale de Grey. Au total, sept districts urbains locaux gérés par 19 membres élus par acclamation.

Y a-t-il lieu de s’inquiéter? Si autant de députés fédéraux ou provinciaux étaient élus par acclamation, que dirions-nous de la santé de notre démocratie?

Personne ne met en doute l’importance de la chose locale. C’est aux municipalités qu’on confie le gros des services essentiels : eau et égouts, police et pompiers, patinoire et piscine, zonage, construction, entretien et déneigement des rues et des trottoirs.

L’Association des municipalités du Manitoba (AMM), le regroupement provincial des municipalités urbaines et rurales, soutient que le gouvernement municipal est le niveau de gouvernement qui est le plus près des gens. Plus près, certes, mais pas assez important, semble-t-il, pour qu’on trouve nécessaire d’assurer la communication élémentaire d’information.

En ce mercredi soir d’élections municipales, impossible de connaître rapidement les résultats des villages et municipalités rurales. Il n’y avait rien sur le site Web ManitobaVotes.ca, une initiative de l’AMM pour communiquer ces résultats. Pourtant, sur le site Web du Carillon News, Ted Falk, député conservateur d’arrière-ban de Provencher, nous laissait savoir qu’il était sorti sain et sauf du lock-down à Ottawa.

L’absence de communication expliquerait-elle en partie le manque d’intérêt pour la politique municipale? Avec les outils dont on dispose aujourd’hui, ce serait tout de même assez facile à régler. Encore faudrait-il que les élus municipaux le veuillent.

Lucien CHAPUT