La Liberté ÉDITO

Par Jean-Pierre Dubé

@jeanpierre_dube

La Liberté du 18 février 2015

Il faut se rendre à l’évidence. Quand la manchette nationale web de Radio-Canada nous avertit que la Ligne orange est en panne, ça signifie que l’heure est grave.

Ça peut vouloir dire que les Canadiens ont perdu, que la Commission Charbonneau ne siège plus ou que Pierre Karl Péladeau n’a rien dit.

Présumons que l’orange, c’est une ligne de métro de Montréal, même si ce n’est pas précisé dans le reportage. Mettons que la panne signale un désastre pire que la chute du baril de pétrole, la remontée de Stephen Harper dans les sondages et le décès de Jean Béliveau.

Elle doit être très longue cette ligne de métro! Au moins la longueur de la rue Yonge de Toronto, qui mène jusqu’au Lac des bois et que les Ontariens considèrent comme leur transcanadienne. Cette Ligne orange est assurément la pancanadienne québécoise.

Que vous soyez à Iqaluit ou à Whitehorse, essayez un peu d’imaginer l’impact d’une panne orange. Acceptez qu’elle doive affecter des millions de Montréalais. Tous les habitués sont obligés tout à coup de changer leurs plans matinaux et de déneiger leur voiture. Comprenez ensuite les embouteillages engendrés – sans compter la rage au volant – qui paralysent peu à peu l’île, puis les banlieues, pour ne pas dire la province et le monde connu. Des vols de Dorval sont annulés et on frôle le crash à la bourse locale.

Qu’est-ce qu’on peut imaginer qui ferait échec à la manchette orange. Une alerte rouge au terrorisme à Ottawa? Le feu vert au pipeline Keystone XL? Le gris-brun de l’eau contaminée des robinets chez 700 000 Winnipégois? La découverte d’un dinosaure en Alberta? Une hausse du financement de la SRC?

N’y comptez pas. Ça fait 30 ans que le budget de Radio-Canada s’amincit.

Au début, on coupa la production régionale de variétés, la couverture d’évènements spéciaux, les nouvelles et les affaires publiques. Puis on a fermé des stations, réduit les services et aboli des milliers d’emplois. Tout cela à répétition. Le diffuseur réduira son budget d’encore 115 millions d’ici 2020.

Pour ne pas être en reste, le CRTC vient de décider de ne pas relancer le Fonds pour l’amélioration de la programmation locale. Mais la couverture de la ligne orange est maintenue.

Ce n’est pas un meurtre, c’est une longue agonie, une véritable torture.

Les scribouillards des organismes nationaux et provinciaux ainsi que les éditorialistes des régions ont pourtant consacré un temps fou depuis des générations à se plaindre brillamment. Comme le vieux disque usé d’une autre époque, on reste debout sur notre boîte à bois à crier nos pétitions dans le désert. Puis silence radio et télé. Insatiables plaintifs, nous pouvons continuer à nous présenter devant le mur des lamentations pour l’éternité.

Mais en bout de ligne, qu’est-ce que ça change? On est bleu ou rouge mais la Ligne orange refait la manchette. On n’est pas en train de s’adapter et de trouver d’autres solutions. Si l’imagination ne se trouve pas à Montréal ni à Ottawa, alors n’est-ce pas à nous d’en avoir?

Le gouvernement fédéral a mis une croix sur le diffuseur public. Et c’est le temps que nous aussi, on cherche des alternatives. Investissons nos énergies à construire autre chose d’utile.