La Liberté ÉDITO

Par Bernard Bocquel

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La Liberté du 21 octobre 2015

Après cette intense phase de notre vie démocratique, qu’avons-nous appris de plus sur nous? Que nous sommes encore et toujours les mêmes.

Il était donc temps que les électeurs canadiens tranchent entre les trois prétendants au 24 Sussex Drive. Il était temps qu’on en finisse avec cette surenchère de promesses, avec ces ultimes actions partisanes dont le seul objet était de faire monter d’une ultime coche la fièvre électorale.

Il était temps que cesse le classique rituel démocratique puisque nous avons su rapidement, une fois de plus, à quoi nous en tenir sur l’état des mentalités et des principaux courants d’idées qui traversent et circulent dans la société canadienne.

Au plan des rappels de qui nous sommes, les conservateurs se sont particulièrement distingués pour nous prouver qu’il existe bel et bien une tranche substantielle de la population du pays qui n’aime pas être dérangée dans ses habitudes, qui n’aime particulièrement pas le changement. Le Canada a beau devoir être un pays d’immigration pour rester en santé démographique, le Canada a beau devoir être un pays d’exportation pour rester riche, dans l’ensemble les Canadiens n’hésitent pas à se replier sur eux-mêmes au nom de leur tranquillité.

Évidemment tous ces gestes à vocation électoraliste, qu’ils aient servi à tenter d’amadouer les Premières Nations, à obtenir l’indulgence des anciens combattants, à mettre plus d’argent dans la poche des uns ou des autres, n’ont relevé que du calcul politique. Même si les trois prétendants au 24 Sussex Drive pouvaient parfois sonner sincères, il reste que leurs décisions venaient de la tête, et non du cœur.

Il était vraiment temps que cette campagne électorale prenne fin, puisqu’il était une nouvelle fois amplement démontré que la très large majorité des Canadiens se contente de promesses axées sur un certain bien-être, au plus sur une envie de mieux-être. Le changement oui, mais à condition qu’il fasse le bonheur du portefeuille. Une attitude en soi bien compréhensible, si l’on veut se souvenir que l’endettement des ménages canadiens atteint des sommets.

Cependant, jamais au cours de cette foire aux promesses il n’a été question d’engagements qui accompagneraient les aspirations d’un changement de fond. Comme soutenir le potentiel qui intervient quand le cœur s’ouvre chez ceux qui recherchent l’être-plus. Autrement dit ceux qui cherchent à se dépasser en donnant un sens à leur vie qui va au-delà du confort de tous les jours et de la santé de leur porte-monnaie. À ce niveau-là, et au fond au seul niveau qui importe dans la vie de chaque personne, la nouvelle donne politique à Ottawa, comme d’ailleurs nulle part ailleurs, n’apporte rien.

Au temps de la Colonie de la Rivière-Rouge, dès les années 1820, les pasteurs protestants et les prêtres catholiques se sont efforcés de participer à l’amélioration du sort des gens. Il a néanmoins fallu attendre l’arrivée des Sœurs grises en 1844 pour qu’un supplément d’âme entre dans l’existence des habitants du pays. Au fil des décennies, l’œuvre des Sœurs grises est devenue synonyme de compassion, surtout à cause de leur engagement dans le domaine des soins de santé, là où l’humain est à son plus vulnérable.

Dans les années 1990, alors que l’existence de leur communauté était scellée à terme, les Sœurs grises ont décidé de remettre leurs œuvres caritatives à des laïcs engagés. La solution pratique a été la mise sur pied de la Corporation catholique de la santé du Manitoba en 2001, qui regroupe toutes leurs œuvres. Mais cette initiative n’était pas suffisante en soi. Il fallait encore s’assurer que le supplément d’âme féminin introduit par les religieuses ne périclite pas.

C’est pourquoi en 2010, après moult recherches et mûres réflexions, la Corporation catholique de la santé a établi son Projet compassion, avant tout destiné au personnel soignant. La compassion, pour faire très court, c’est la force dont un humain est capable pour soulager les souffrances d’autrui sans que lui-même ne se détruise à la longue. Le secret de la compassion, c’est la capacité d’aimer l’autre.

Il va de soi que ce qui est bon pour les professionnels de la santé est bon pour tout être humain qui aspire à s’ouvrir aux autres. La compassion, lorsqu’elle est bien comprise, c’est-à-dire lorsqu’elle commence par soi-même, permet à une personne de devenir un agent de changement dans la société.

Après une si longue campagne électorale où la gent politique a surtout fait miroiter aux Canadiens des perspectives de changement matériel, en toute logique post-électorale, La Liberté a décidé de vous proposer une série intitulée COMPRENDRE LA COMPASSION. Recherchée et rédigée par Baptiste Souque, cette série d’articles a l’ambition d’apporter des éléments de réflexion aux personnes qui ressentent la nécessité d’un changement véritable qui soutient leur besoin d’être-plus. À lire en pages A14 et A15.