La Liberté ÉDITO

Par Bernard Bocquel

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La Liberté du 06 avril 2016

Les élections provinciales et les États généraux de la francophonie resteront les deux préoccupations centrales de la rédaction de La Liberté durant les prochaines semaines. Pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de sujets qui touchent directement à notre avenir.

Dans le cas des élections provinciales, c’est l’avenir de tous les Manitobaines et Manitobains dont il est question. Dans le cas des États généraux, c’est l’avenir de la dimension francophone du Manitoba qui est en jeu. Dans les deux cas, c’est l’avenir de la société manitobaine dans son ensemble le véritable sujet.

Il est toujours plus rassurant de s’intéresser à son avenir lorsque l’on constate que des personnes qui se vouent au service de la société rayonnent d’un tel sens de l’engagement que l’on se sent soi-même pris par le goût de l’action. En un mot lorsqu’on se trouve face à un leadership capable de faire bouger une société, voire de la transformer.

Quiconque a bien voulu s’intéresser de près au déroulement des élections provinciales depuis leur déclenchement a certainement remarqué que pas un des chefs des trois principaux parti n’est du genre à soulever les foules.

Pour Greg Selinger c’est évidemment, après plus de 16 ans, l’usure du pouvoir et la fameuse promesse rompue sur la taxe de vente provinciale qui fournissent les principales explications. Pour Rana Bokhari c’est une histoire d’inexpérience et de promesses électorales sans commune mesure avec les grandes idées qu’elle professe qui donnent les clés de son incapacité à enthousiasmer. Pour Brian Pallister, c’est d’évidence le fait qu’il n’affiche qu’une volonté de gestionnaire des affaires provinciales.

De nulle part on sent un souffle printanier qui pourrait être un signe sûr de renouveau du train-train politique dans lequel est sombré la Province du Milieu. Le contraste avec les récentes élections fédérales, où Justin Trudeau a réussi à débloquer la période de glaciation conservatrice, est patent. Beaucoup de Canadiennes et Canadiens voulaient sortir de l’esprit d’enfermement duquel ils se sentaient prisonniers afin de pouvoir renouer avec le goût de l’ouverture. Aucun des trois principaux chefs n’est capable de générer un effet Trudeau.

Or les Manitobains en général et les Winnipégois en particulier, hélas aux prises avec un vieux complexe d’infériorité dont les multiples facteurs sont si connus qu’il est inutile d’insister ici sur leurs conséquences néfastes, ont plus que jamais besoin de ressentir de la confiance. Et si possible de la fierté, ou tout autre sentiment qui s’apparente à la joie de se sentir à la hauteur de la tâche.

Cette campagne électorale, à moins d’un rebondissement extraordinaire, ne signale rien d’autre que la continuation de la même sempiternelle narrative qui consiste à avoir pour seul horizon d’hypothétiques promesses d’équilibre budgétaire. Comment dans pareilles circonstances motiver les gens à renouer avec l’âme du Manitoba, celle qui lui a été donnée à sa naissance, lorsque les groupes de population les plus divers ont dépassé leurs différences pour s’unir, pour croire dans leur commun avenir?

La réponse, dans le cas du Manitoba en général et du Manitoba français en particulier, ne viendra pas des systèmes en place. La solution dépend de personnes, probablement au départ d’une poignée de personnes, prêtes à assumer un rôle de leadership. Nous avons un besoin aigu de chefs ; pas de sauveurs, juste de chefs capables d’inspirer, c’est-à-dire de permettre aux citoyens de cette province de regagner confiance, pour croire en eux-mêmes plutôt qu’aux petites promesses de boutiquier.

Cet évènement s’est produit une fois dans l’histoire du Manitoba du dernier siècle. Il avait pour nom Duff Roblin. Il était progressiste-conservateur d’étiquette et possédait l’envergure d’un chef d’État. Presque à lui seul il a refondé son parti pour sortir le Manitoba, à partir de 1958, du marasme dans lequel il végétait. Ses accomplissements ont été nombreux. Contre vents et marées, il s’est assuré que l’éducation entre dans la modernité en éliminant des centaines de petites commissions scolaires au profit d’un système plus rationnel. Au mépris des quolibets, il a veillé à la construction du canal de dérivation qui a sauvé bien des fois Winnipeg, la fameuse Duff’s Ditch.

Les élections provinciales et les États généraux de la francophonie seront les deux gros dossiers qui continueront de faire l’objet d’une attention particulière de l’équipe rédactionnelle de La Liberté. En particulier dans le cas des États généraux, nous scruterons avec attention toute initiative qui nous permettrait d’espérer l’émergence d’un leadership capable de donner un sens social à nos volontés personnelles de cultiver au moins le français et l’anglais.