La Liberté ÉDITO

Par Bernard Bocquel

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La Liberté du 17 août  2016

Jacques Hamel, le prêtre français de 85 ans qui a été égorgé fin juillet alors qu’il disait sa messe, était un personnage à l’héroïsme humble. Les journalistes n’ont pas eu de mal à obtenir des témoignages, puisque l’homme était très engagé dans la vie de sa paroisse. Celui d’une amie, Sandrine Auger, résonne fort en ces temps de ferveur olympique : « Le père Hamel aimait les sports, parce que c’est porteur de belles valeurs, comme la religion. Par exemple, le sport peut permettre de faire comprendre aux jeunes que lorsque l’on tombe, on peut se relever. »

On est tenté d’ajouter que le sport, comme la religion, sont susceptibles d’entraîner des dérives malsaines. Mal compris, l’esprit de compétition peut dégénérer. Pour s’assurer du respect des uns envers les autres, à l’image des Jeux Olympiques de l’ancienne Grèce, les participants sont tenus, par le biais de leur délégation nationale, de prononcer un serment qui engage leur honneur de s’affronter à la loyale.

Serment solennel trop souvent resté lettre morte à force de dopage et du poids des nationalismes. Les tricheurs ont l’excuse que leur passion ne saurait se résumer à juste donner le meilleur d’eux-mêmes. Olympiennes et olympiens sont d’office prisonniers de leur drapeau national, dont ils deviennent symboles d’orgueil ou d’échec. Et pourtant la plupart de ces sportifs de si haut niveau entretiennent le noble idéal de faire rêver la jeunesse mondiale quand ils se retrouvent, suite à leurs exploits, sur une des trois marches du podium.

Le sport en version olympique est hélas trop souvent vécu comme une religion nationale. Ce qui est déplorable puisque, comme toute religion, son utilité suprême est d’inspirer, de pousser à l’élévation. Entre mille exemples inspirants (plus de 11 000 athlètes sont passés par Rio), il y a celui de la judoka Rafaela Silva, médaillée d’or. La sportive brésilienne de 24 ans a grandi dans une favela à quelques jets de pierre du parc olympique. Spectateurs athées ou religieux, comment ne pas s’incliner devant le courage et l’inflexible détermination de la jeune femme?

L’héroïsme se décline de multiples manières propres à engendrer l’exaltation à Rio. Tel athlète blessé n’écoute que son cœur et aide ses coéquipiers à gagner la partie. Tel autre se transcende et arrache, par surprise, une médaille au destin. Les exemples sont déjà légion.

Il y aussi ces joueuses de volleyball de plage égyptiennes qui ont démontré qu’il était possible de jouer à ce sport d’équipe en étant plus vêtues que leur compétitrices occidentales, sûres d’obtenir une liberté de mouvement optimale grâce au bikini. Même les plus rétifs aux Olympiades peuvent reconnaître que pareil contraste culturel vaut la peine d’être médité. La leçon n’est que trop claire. Même si les athlètes surdoués et surentraînés fracassent des records à mettre en transe les plus tièdes, la religion sera toujours plus forte que le sport pour développer la plus haute assurance de soi.

Et puis Rio offre aussi le spectacle des sports équestres, la seule discipline olympique qui exige que le médaillé d’or, d’argent ou de bronze partage sa récompense avec un partenaire d’une autre espèce. D’évidence le cheval n’a pas prêté serment sur son honneur, n’a pas participé avec la volonté de défendre un drapeau. En hommage à son cheval, le cavalier se doit d’être d’honneur absolu pour le couple indissociable qu’il forme en compétition. Dans cet engagement réciproque, le cheval a donné son meilleur librement, confiant et en communion avec son ami bipède. Comme Sam, la monture âgée de 16 ans d’un cavalier d’exception, l’Allemand Michael Jung.

Sam et ses congénères méritent au moins autant d’applaudissements que – par exemple – le héros certifié Michael Phelps, qui s’est une fois de plus battu avec lui-même pour consolider sa place de légende dans les sports aquatiques. En vérité, les chevaux olympiens à Rio sont aussi des héros, bien souvent anonymes, mais si dignes d’inspirer de profondes leçons.

Qui se souviendra de Jacques Hamel, qui se souviendra de Sam?