Par Gavin BOUTROY

L’exposition de photographies Points de vue au Musée canadien pour les droits de la personne est composée de 70 photographies, sélectionnées parmi 984 soumissions du public. C’est la première exposition du musée approvisionnée par la foule. Une seconde nouveauté : les cinq photographies primées dans leur catégorie peuvent être éprouvées avec l’ouïe et le toucher.

 

Lorsque Corey Timpson, le vice-président aux expositions et à la recherche et conception du Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP), a pour la première fois posé la main sur le rendu en bas-relief de l’image gagnante de la catégorie « Inclusion et diversité », il a eu des frissons.

La photographie capturée par Darren Ell et Philippe Montbazet de Montréal est intitulée Melinda. Melinda est une femme musulmane qui a quitté la Hongrie pour demander l’asile au Canada, craignant pour sa sécurité et celle de ses enfants.

Melinda est un portrait serré au buste, où les habits noirs de Melinda se dissolvent dans un fond noir. Seuls son visage, ses mains tenues en l’air dans un geste de prière, et son hidjab blanc définissent sa présence devant l’objectif.

« Dans l’impression en trois dimensions de l’image, la femme a presque ses dimensions réelles. Lorsque j’ai posé ma main sur la sienne, je me suis rendu compte que j’étais en train de tenir sa main. J’ai frissonné. Quelle pourrait être une meilleure façon d’exprimer l’inclusion et la diversité? Je lui tenais la main. »

Les cinq impressions en trois dimensions de l’exposition, accompagnées d’enregistrements sonores qui décrivent les images, permettent aux personnes aveugles et malvoyantes d’éprouver de l’art visuel.

Les autres photographies primées sont : Une femme micmaque de Ossie Michelin, Meilleure photographie de l’exposition et de la catégorie Réconciliation; Je suis moi-même de Rajneesh Fontana, catégorie Liberté d’expression; Enfance toxique de Michael Toledano, catégorie Droits de la personne et environnement; Partis, mais non oubliés de Madelaine Toupin, catégorie Participation jeunesse.

Madelaine Toupin vient de Beauséjour, l’une des sept du Manitoba à être exposés. Elle a 17 ans. Sa photographie, prise lors d’un voyage à Terre-Neuve-et-Labrador, est l’image d’une maison en ruine, sur les lieux de l’ancienne mission morave de Hebron, au Labrador. En 1959, les habitants inuits et moraves du village ont été relocalisés sans leur consentement, dans des communautés qui leurs étaient étrangères.

La Commission royale sur les peuples autochtones a trouvé en 1996 que nombreux Inuits avaient été réduits à la pauvreté par la relocalisation forcée.

Madelaine Toupin ne souhaite pas devenir photographe. Elle souhaite devenir enseignante. « L’histoire de Hebron, au Ladrador, est très triste et je ne la connaissais pas. Sur l’histoire du Canada, il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas. Je voudrais enseigner ces histoires. Avec la photo, je peux les montrer. »

Le nombre de soumissions et leur qualité a surpris Corey Timpson, le vice-président aux expositions et à la recherche et conception du MCDP. « Il y a des risques avec une exposition approvisionnée par la foule. On ne sait jamais ce qu’on va recevoir. »

Les 70 photographies de l’exposition ont été sélectionnées par un jury composé de Geneviève Cadieux, qui enseigne la photographie à l’Université Concordia, à Montréal; Kerri A. Froc, Ph D., professeure en droit à l’Université du Nouveau-Brunswick; Jeremy Maron, Ph D., chercheur-conservateur au MCDP; Farah Nosh, photographe et enseignante à l’Université d’art et de design Emily-Carr, à Vancouver; et David Alexander Robertson, un écrivain et illustrateur cri du Manitoba. Elles font dorénavant partie de la collection nationale du Canada, et peuvent être consultées à perpétuité par des chercheurs, ainsi que par le grand public.