Par Elisabeth Vetter

L’histoire de Jazmiera, c’est une histoire de famille. À 16 ans, cette gardienne de but pour l’équipe féminine de soccer du Manitoba pour les Jeux du Canada est largement soutenue par des parents – Jaret et Monique Ditter – qui, eux aussi, ont disputé des compétitions sportives. Et pas des moindres.

« Inoubliable ». C’est le mot qu’elle a choisi pour décrire à ses parents la soirée qu’elle venait de passer, la veille, au Bell MTS Place. Jazmiera Ditter, surnommée « Jazi » par tous, venait de défiler, avec l’ensemble de la délégation sportive du Manitoba pour la soirée d’inauguration des Jeux du Canada. L’excitation palpable des 4 000 athlètes, l’électricité, l’envie et la musique, ce selfie pris avec Justin Trudeau, font que ces quelques heures resteront marquées dans l’esprit de Jazi.

Ce matin de début août, elle se fraye un chemin à travers le village des athlètes, situé sur le campus de l’Université du Manitoba. Véritable fourmilière, l’endroit respire la fraîcheur de ces jeunes sportifs. Certains au repos, comme la discrète Jazi, d’autres à l’entraînement, comme l’équipe de softball d’Ontario qui improvise quelques lancers entre l’heure du déjeuner et celle du dîner.

« Je suis ici dès que je ne joue pas, confie-t-elle. C’est la première fois que j’ai l’occasion de m’asseoir et de parler avec des sportifs d’autres provinces. Avec eux, je parle des Jeux et des prochains matches ». Réservée, sans être effacée, l’une des deux gardiennes du but sélectionnée pour défendre les couleurs du Manitoba aux 50e Jeux du Canada semble déterminée. Deux tresses encadrent son visage, moucheté de taches de rousseur.

Elle reprend : « Il y a 4 ans, je me souviens avoir dit à ma mère que je voulais aller aux Jeux et que je voulais que ça soit elle qui m’y emmène. Au début, cette compétition, c’était pour mes parents. Mais maintenant, je sais que c’est pour moi que je le fais ». À 5 ans déjà, elle commence à jouer pour l ‘équipe de soccer de la Division scolaire franco-manitobaine à travers l’école Lacerte dans laquelle elle est scolarisée. « À 11 ou 12 ans, j’étais au poste d’avant-centre et de gardienne de but. C’est un poste important. Sur le terrain, on peut faire une erreur et la rattraper. Quand on est gardien, si on fait une erreur, la conséquence est immédiate », explique Jazi.

Rencontrés quelques jours plus tôt, ses parents, Jaret et Monique, reprennent l’histoire à l’identique. Ces deux anciens athlètes de haut niveau ont tous deux entrainé Jazi et sa sœur ainée, Janique. La maman explique : « J’étais au volant lorsque Jazi m’a dit qu’elle voulait disputer les Jeux du Canada. J’ai failli avoir une crise cardiaque! Même si nous l’avons toujours encouragée et qu’elle a toujours été sportive, ça devait venir d’elle. Son père et moi sommes très fiers et plus stressés qu’elle!  Elle ira plus loin qu’on ne l’a jamais été. »

« Nous avons toujours été passionnés par le sport », complète Jaret, ce papa présent, multiple champion de soccer dans les années 1980. « Alors, lorsque les filles étaient petites, je les emmenais avec moi lors des entraînements. Jazi était encore dans l’écharpe de portage lorsque j’ai commencé à coacher. Plus tard, elles m’attendaient sur le banc de touche! », pétille le père de famille. Mais la gardienne de but n’est pas restée abonnée au banc de touche. Vite, son père – « mon exemple », glissera-t-elle – la pousse derrière le ballon rond. « À eux deux, et en moins de 4 ans, ils ont comptabilisé 8 titres de championnat », dit Monique, tout sourire.

Modeste, cette maman ne parle que de ses filles. Pourtant, elle aussi a brillé sur les marches du podium. En 1987, elle participait pour l’équipe de handball aux Jeux Panaméricains à Indianapolis et remportait, plus tard, un titre mondial. Une discipline à laquelle touchera aussi Jazi sans pour autant s’éloigner de son objectif : devenir joueuse de soccer pro. Elle admire Erin McLeod et Karina LeBlanc, toutes deux goals pour l’équipe nationale de soccer du Canada. Jazi met toutes les chances de son côté. Athlète de l’année pour son école en Colombie-Britannique, elle a également reçu le prix d’éducation physique.

« Les coaches se battent pour elle », résume Janique Ditter. Tant et si bien qu’en 2019, elle ralliera l’Université de Tulsa, en Oklahoma. « J’ai eu l’occasion de découvrir le campus durant un camp d’été. Je l’ai choisi après avoir vu comment les filles interagissaient avec le coach. Ce sera une bonne expérience », assure l’adolescente.

Depuis cette entrevue, la team Manitoba n’a malheureusement pas pu rivaliser avec la qualité de jeu de l’équipe de l’Alberta, finissant en sixième position du classement final de ces Jeux. Jazi, elle, a réussi à se démarquer. Tant par sa rapidité que par son authenticité, comme rarement on en voit à son âge.