Alberto Velasco, actuel directeur des services commerciaux au World Trade Centre Winnipeg, a quitté son Mexique natal en 1999 pour un échange universitaire avec le Manitoba. Mais ce qui ne devait être qu’une expérience de quelques mois s’est muée en aventure d’une vie lorsque l’amour, sous les traits d’une Franco-Manitobaine, a frappé à la porte.

 

Par Barbara GORRAND 

Bien sûr, son patronyme et son accent chantant trahissent des origines latines. Mais sa parfaite maîtrise du français, la justesse de son vocabulaire et même les « comme » dont il ponctue ses phrases ont de quoi désarçonner ses interlocuteurs. Qui êtes-vous donc, Alberto Velasco?

« Je viens de Morelia, une ville du centre du Mexique où vit encore toute ma famille, et où j’ai étudié les relations commerciales internationales dans une petite université privée. C’était en 1999, juste à l’époque où on venait de signer un programme d’échange avec l’Université du Manitoba et je me suis porté volontaire pour faire partie du groupe pilote qui allait partir au Canada. »

Mais avant cela, c’est le groupe d’étudiants canadiens qui est venu passer le semestre d’hiver sous le soleil du Mexique. Parmi eux, il y a Lise Fiola, une Francophone de Sainte-Anne. Entre la Manitobaine et le Mexicain, c’est « Coup de foudre à Morelia ». Un film qui se joue alors uniquement en anglais : « Lise ne parlait pas espagnol. Et même si j’avais auparavant pris des cours de français à l’Alliance française locale, ce n’était pas suffisant. Il faut savoir qu’au Mexique, on apprend l’anglais par nécessité et le français par plaisir. Par envie, comme un loisir. »

À l’arrivée d’Alberto à Winnipeg au semestre suivant, l’idylle se poursuit. Elle survivra même à l’arrivée de l’hiver, signe pour Alberto qu’il est temps de rentrer au Mexique. « Lise a fini par me rejoindre au Mexique. Elle a appris l’espagnol, nous nous sommes mariés, et quatre ans plus tard nous avons choisi de revenir à Winnipeg. »

C’est là que la piste sonore de l’histoire d’Alberto commence à s’internationaliser. « Je travaillais dans un milieu complètement anglophone, mais à la naissance de Rémi (10 ans aujourd’hui) et Vincent Emilio (bientôt 6 ans), Lise a choisi de leur parler en français, et moi en espagnol. Pour nous, la langue est un moyen d’accès à la culture, une ouverture sur le monde. Et aujourd’hui, nous sommes fiers de dire que la première langue de nos enfants est le français, la deuxième l’espagnol, et la troisième est l’anglais. Ils sont entièrement bi-culturels, 100 % franco-canadiens et 100 % mexicains. Ce qui est drôle, c’est que Vincent Emilio, par exemple, a commencé à développer son propre langage : il remerciait les gens en disant ‘merciacias’, contraction de merci et de gracias, il jouait avec son petit ‘chevallo’, pour cheval et caballo… C’était très cute! »

Et cela ne s’arrête pas là. Dans cette famille décidément multilingue, Lise s’adresse à Alberto en anglais, « puisque c’est la langue de notre rencontre », et Alberto lui répond en espagnol. « Sauf si on se dispute : là je lui parle en anglais, sinon ça tournerait à la telenovela! », s’amuse le père de famille. Qui confesse que sa maîtrise du français n’est venue qu’il y a trois ans et demi, lorsqu’il a été engagé au WTC.

« Mariette (Mulaire, la présidente-directrice générale, ndlr) m’a dit : ici on parle français! Il a fallu que je maîtrise très vite le vocabulaire technique, que j’écrive des courriels en français. Je me suis dit qu’il me fallait vraiment des cours de perfectionnement profession – nels. Comme je ne trouvais rien d’adapté à mes horaires ou permettant de déve lopper une pensée analytique en français, j’ai lancé French Toast, un club de perfectionnement avancé, il y a maintenant deux ans ».

Un investissement personnel qui s’avère payant : « En mars dernier, lors de la tournée Juste pour rire des Rendez-vous de la francophonie, je me suis surpris à tout comprendre : les jeux de mots, le contexte, les différents accents… Cela m’a vraiment empli d’une certaine fierté, parce que lorsqu’on est capable de comprendre l’humour, on atteint un niveau différent dans la compréhension d’une langue. »

Pourtant, quand on lui annonce qu’au regard de la loi 5, il est désormais considéré comme francophone, Alberto affiche sa surprise. « Pas seulement francophile? Je fais pourtant tellement d’erreurs, encore », s’excuse-t-il. Dans un français impeccable, évidemment.

Reste un dernier test : en quelle langue pensez-vous, Alberto? « Je me suis aperçu que cela dépendait du contexte. Quand je pense à ma famille, à mes amis, ou même aux finances, je pense en espagnol. Quand je pense à des questions très structurelles, comme les projets au travail, je pense en anglais. Et dès que je passe les portes du bureau, je pense en français! »

 

Qui peut se dire francophone?

La Loi 5 adoptée à l’unanimité par les députés manitobains le 30 juin 2016, intitulée Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, définit la « francophonie manitobaine » de la manière suivante : Communauté au sein de la population manitobaine regroupant les personnes de langue maternelle française et les personnes qui possèdent une affinité spéciale avec le français et s’en servent couramment dans la vie quotidienne même s’il ne s’agit pas de leur langue maternelle ».