par Gavin BOUTROY 

Ses mains révèlent sa langue maternelle. Elles sont marquées d’inscriptions au stylo-bille noir. À la suite d’une série de chiffres, on peut lire les deux mots français, « remise » et « convoyeuse ».

Jean-Paul Chartier est le conseiller municipal du village de Saint-Lazare, un père, et un grand-père. Il a aussi passé 42 ans sous la terre, dans la mine de Potasse de Rocanville, qui emploie un huitième des habitants du village francophone de Saint-Lazare.

« Si je suis avec les gars de Lazare, on parle français. S’il y a des Anglais qui sont là, on parle anglais parce qu’on les respecte. »

Le mécanicien spécialisé a beau être à quelques années de la retraite, il est bâti comme un vieux chêne. Aucune surprise, ses fils sont des joueurs de hockey redoutables. L’un d’eux, Christian Chartier a joué dans des équipes professionnelles en Amérique du Nord et en Europe.

Le père de trois enfants croit que c’est important que les jeunes découvrent le monde à l’extérieur du village. Il donne l’exemple de ses trois enfants.

« Christian, l’un de mes fils, a joué au hockey tout partout. Il a joué dans une équipe professionnelle en Allemagne. Mon autre gars a été partout pour le hockey lui-aussi. Ma fille a aussi passé du temps en Europe. J’ai pu aller leur rendre visite. »

Dorénavant, les trois enfants de Jean-Paul Chartier sont de retour à Saint-Lazare. Ses deux fils travaillent avec lui dans la mine. « Ils ont été partout au monde, mais il me disent : il y a rien comme chez nous. »

« Le dimanche quand on travaille pas, on prend le déjeuner après la messe, et on parle de notre semaine. »

« Ça fait 42 ans que je suis dans la mine, mais à chaque fois que je descends, je m’inquiète un peu, je me demande si je vais remonter. Et il n’y a pas un jour où je ne m’inquiète pas pour mes fils. »

Une galerie de la mine de potasse de Rocanville, à un kilomètre sous terre. Les filons de minerai présents dans la roche dure, comme l’or, suivent des parcours irréguliers. La potasse, au contraire, lorsque présente, est une strate entière qui reste sur un niveau horizontal régulier. Ainsi, les galeries des mines de potasses sont souvent plus longues que les galeries de mines de roche dure. À un kilomètre sous terre, Jean-Paul Chartier indique : « Dans cette direction là, il y a six kilomètres de galerie. Et par là, dix kilomètres. »

Pour lui, la mine a été un atout pour la survie du village. « C’est important pour garder du monde au village, mais c’est une lame à double tranchant. Les enfants ne cherchent pas à suivre des études postsecondaires parce qu’ils peuvent gagner 50$ par heure dans la mine. »