En majorité financé par les deniers provinciaux, le Centre Flavie-Laurent voit le montant de ses aides baisser de 50 000 $. Une décision communiquée en juin par le ministère des Familles du Manitoba, qui indique « devoir faire face à d’importants défis financiers. » Responsables, employés et bénévoles s’interrogent sur un choix qui pour eux, est lourd de sens.

par Léo GAUTRET

Mercredi 30 août au 450 boulevard Provencher. Ce matin, le Centre Flavie-Laurent est de nouveau pris d’assaut. Venus des quatre coins de Winnipeg, tickets à la main, chacun s’en va dénicher le meuble, la veste, le matelas, qui viendra combler son dénuement quotidien. Denise Dupuis, bénévole six jours par semaine au centre de dons témoigne.

« Depuis lundi il y a beaucoup plus de monde. Moi j’arrive ici vers 5 h 30 – 6 h et à cette heure il y avait déjà dix voitures garées lundi. Aujourd’hui il y en avait huit. Il y a même des gens qui attendent à la porte dès 4 h 15 du matin. »

Avec huit employés et 80 bénévoles dans ses rangs, l’organisme de bienfaisance tente chaque jour de répondre aux besoins grandissants de personnes dans le besoin. Denise Dupuis précise « On est dans ces locaux depuis 2012. On a triplé de grandeur par rapport à la rue Marion, mais aujourd’hui on manque de place ».

Pour faire face à cet afflux connexe de dons et de demandes, le centre s’appuie essentiellement sur le financement public, nécessaire pour le paiement des employés. 439 000 $, c’est le budget annuel présenté par le Centre Flavie-Laurent en 2016, incluant 137 000 $ de financement de la Province, soit 31 % du budget total. Un montant auquel le gouvernement conservateur du Manitoba a décidé de soustraire 50 000 $ en juin dernier, soit plus du tiers de l’enveloppe initiale.

Directeur général de l’organisme depuis sa création en 2005, Gilbert Vielfaure s’alarme. « Quand nous avons reçu la lettre du ministère, il a fallu reprendre notre souffle. C’est 11 % de notre budget total en moins. On pense qu’il y a eu un manque d’information auprès du ministère par rapport à l’importance de notre organisme. »

Depuis 2015, près de 30 000 familles se sont enregistrées au Centre Flavie-Laurent, 150 à 200 par mois, 7 000 rien que pour 2016. Ces deux dernières années, 5 000 chaises, divans et 4 600 matelas ont été gratuitement distribués, tandis que 9 000 sacs de vêtements avaient trouvé preneur l’année passée.

« IL A FALLU REPRENDRE NOTRE SOUFFLE. »
GILBERT VIELFAURE, DIRECTEUR DU CENTRE FLAVIE-LAURENT

« De notre point de vue, on fait épargner de l’argent au Manitoba. Car ce que l’on donne gratuitement, c’est ça en moins que la Province a besoin de donner aux personnes qui sont dans le besoin. L’aspect écologique est aussi important puisqu’on permet aussi à la ville de recycler des objets qui sans nous iraient au dépotoir. »

Une remarque parmi d’autres qui a pu être entendue mercredi 30 août par des représentants du ministère des Familles en charge du dossier, dont Jennifer Rattray, sous-ministre adjointe du ministre des Familles, Scott Fielding. Gilbert Vielfaure en tire les conclusions. « Pour la Province, le Centre Flavie-Laurent fait partie des organismes de charité qui pouvaient assumer ces coupures budgétaires. »

Contacté par La Liberté, le ministère des Familles a décliné toute proposition d’entretien téléphonique, formulant sa réponse par courriel. Pour le gouvernement du Manitoba, ce choix apparaît nécessaire pour « faire face à d’importants défis financiers et à la hausse des coûts de certains avantages et services, incluant l’aide sociale. »
La priorité étant mise sur le « financement des prestations et des services essentiels de base, afin de continuer à offrir des mesures de soutien du revenu, essentielles aux Manitobains vulnérables à faible revenu. »

Par ailleurs, le ministère des Familles confirme la nouvelle enveloppe annuelle de 86 700 $ qui sera allouée à l’organisme de bienfaisance, et rétroactive au 1er avril dernier. Pour Gilbert Vielfaure, si la décision venait à se confirmer définitivement, cela engendrerait une réduction des services du Centre Flavie-Laurent. « 76 % de notre budget est consacré aux salaires, donc cela devrait forcément engendrer une restructuration. »

Cette réduction pourrait affecter le service de transport proposé par l’organisme, propriétaire de quatre camionnettes utilisées pour les collectes et les livraisons de dons. « C’est probablement bon de se serrer la ceinture, mais là on parle de valeur humaine. On attend encore la réaction du ministre et suite à ça on verra ce qu’on pourra faire pour améliorer la situation. »

 


 

« C’est honteux »

Dominique Arbez est une professeure en éducation de la jeune enfance à l’Université de Saint-Boniface, et membre du collectif Oui aux communautés, non aux coupures. Elle qualifie les coupures budgétaires au Centre Flavie-Laurent de « coup bas ».

« Ce collectif existe parce que les organismes ciblés par les coupures du gouvernement Pallister sont les organismes les plus vulnérables, des organismes à but non-lucratif caritatifs qui dépendent souvent d’allocations de fonds de la Province. On pénalise des organismes pour leur humanité.

« Il n’y a pas de baisse de la demande pour ces services, il y a des milliers de personnes dans le besoin pour diverses raisons, des familles monoparentales, des réfugiés, des personnes au chômage… Il est important de souligner le rôle du Centre Flavie-Laurent dans la communauté. Ils aident des gens dans le besoin, mais ont aussi une vocation écologique, de réutiliser des meubles, par exemple, qui se retrouveraient normalement au dépotoir.

« Dans le cadre de mes études, je me suis penché sur l’impact de la pauvreté sur les enfants, et l’écart grandissant entre riches et pauvres. Le Manitoba a un taux de pauvreté très élevé chez les enfants, c’est honteux. Lorsqu’on parle d’enfants pauvres, on parle de familles pauvres évidemment. Ces enfants dépendent de leurs parents. La pauvreté a un impact au niveau de la santé et de la scolarité des enfants. Ainsi, l’investissement dans un organisme comme le Centre Flavie-Laurent, fait économiser des coûts à la Province au niveau de l’éducation et de la santé. »

G. B.