Si l’on connaissait l’activiste, on connait moins l’actrice et la dramaturge. Brigette DePape, dont le nom a résonné en 2011 dans les médias pour ses revendications politiques, est aussi une grande passionnée de théâtre. Elle participe ce lundi 18 septembre au Femfest, un festival de théâtre organisé par la troupe winnipégoise Sarasvàti (1).

Valentin CUEFF

Habituellement, l’écriture d’une pièce de théâtre lui prend environ six mois. Sans compter la mise en scène, qui prend parfois quelques mois supplémentaires. Autant dire que le défi proposé par le Femfest Bake-Off était de taille pour Brigette DePape.

Cet événement proposait à cinq dramaturges d’écrire, chacun de leur côté, une scène de dix minutes en seulement huit heures. Celle-ci devait obligatoirement contenir trois éléments : un coton-tige (Q-tip), l’acte de déchirer une feuille, et enfin la phrase “When a door closes, another door opens” (“Quand une porte se ferme, l’autre s’ouvre”).

Les cinq scènes que les auteurs sélectionnés ont produites sous ces conditions seront présentées au Bake-Off.

« C’était très excitant et enrichissant », raconte la dramaturge. « Pour créer une scène en si peu de temps, il faut se dédier à une idée et s’y plonger complètement. »

Une façon pour elle de se replonger dans l’art de la scène, qu’elle explique avoir mis de côté pendant huit ans.

Le théâtre a toujours été une passion de premier plan pour Brigette DePape. Elle se souvient notamment d’avoir joué Roxane dans Cyrano de Saint-Boniface, au collège Jeanne-Sauvé.

Précoce dans l’écriture théâtrale, elle a monté sa première pièce à l’âge de 15 ans. Intitulée In Between, celle-ci fut nominée au prix Harry S. Rintoul pour la meilleure nouvelle pièce manitobaine, au Fringe Festival 2005.

Nourrie par des cours d’écriture dramatique et par son expérience personnelle, la Winnipégoise a, depuis, gagné en maturité. « Ma première pièce, je l’avais écrite pour être jouée par une seule personne. Maintenant j’écris plusieurs personnages. J’aime beaucoup apprendre à écrire différentes voix, et développer les perspectives de ces personnages. »

« Écrire ses propres pièces, c’est comme une aventure, c’est comme voyager dans le monde de quelqu’un d’autre. Sans prendre l’avion. »

Elle raconte que son amour des planches vient avant tout de l’expression immédiate et vivante permise par cet art. De l’auteur, à l’acteur, au public.

« J’aime le théâtre parce qu’on peut y exprimer des émotions d’une façon simple et complexe à la fois. On peut développer une connexion très humaine avec le public. C’est inspirant d’avoir ce contact. Surtout dans le contexte des nouvelles technologies. »

« Écrire ses propres pièces, c’est comme une aventure, c’est comme voyager dans le monde de quelqu’un d’autre. Sans prendre l’avion. Et à la différence du cinéma, par exemple, le théâtre s’inscrit vraiment dans le moment. C’est très spécial comme rapport au public. »

Cependant, depuis quelques années, Brigette DePape était sous le feu des projecteurs pour d’autres raisons. En juin 2011, alors qu’elle participait au programme canadien des pages du Sénat, elle s’est présentée durant le Discours du trône avec un panneau sur lequel était inscrit “Stop Harper!”, pour manifester contre la politique de l’ex-Premier Ministre.

Suite à cette intervention remarquée et très médiatisée, elle s’est impliquée dans diverses actions politiques et a voyagé hors du Canada. « J’ai été un peu distraite par la politique. Je voulais changer le monde. Surtout face au changement climatique, et pour les droits des communautés autochtones. Je voulais faire partie des mouvements sociaux. »

Sans mettre ses idéaux de côté, son retour à Winnipeg, en 2017, est allé de pair avec son retour au théâtre.

Brigette DePape explique associer la capitale du Manitoba à l’art de la scène. « On a une culture de théâtre très forte, ici à Winnipeg. Il y a des compagnies excellentes et de très bonnes pièces à voir. »

Au premier rang des événements winnipégois, le festival Fringe, auquel la dramaturge est très attachée. Elle y a présenté, en 2017, sa première pièce depuis huit ans.

« Quand j’étais plus jeune, je faisais une pièce de théâtre chaque été pour le festival Fringe. C’est juste quelque chose que je fais à Winnipeg. C’est comme une partie de moi que j’avais oubliée. Je suis contente d’y revenir. »

Cette participation au Fringe lui a donné l’impulsion pour se replonger dans l’écriture. « J’ai vraiment été inspirée par ce que j’ai vu. J’ai notamment assisté à une pièce, The Merkin Sisters. C’était une pièce contemporaine géniale, drôle, un peu avant-gardiste, qui comprenait de la danse. »
« Je voulais écrire quelque chose avec ce genre d’énergie. C’est ce qui m’a motivé à participer au Bake-Off. J’avais tellement d’idées après avoir vu ces pièces. »

« Mes idéaux sont toujours présents dans mes pièces d’une façon ou d’une autre. »

Le fruit de son travail, Postcard from Paris (Carte postale de Paris), a pour décor Montréal et se joue en anglais et en français.
« Avec cette scène, je crois que je veux surtout faire rire, exprimer un sentiment de joie de vivre. J’aime faire rire les gens, définitivement. Et aussi explorer de nouvelles idées. Je me sens motivée pour innover dans mon écriture. »

Si elle dissocie son engagement politique de sa vie artistique, le premier transparaît parfois dans le second. « Mes idéaux sont toujours présents dans mes pièces d’une façon ou d’une autre », explique-t-elle. « Dans The Winnipeg school of happiness (la pièce écrite pour le festival Fringe 2017, nldr), il y avait quelques thèmes politiques, notamment sur la protection de l’eau et la lutte contre le changement climatique. J’essaie de partager un peu de ce que j’ai appris pendant tout ce temps, de façon subtile. »

Le théâtre prendra-t-il le pas sur son activisme ? Brigette DePape sourit. « Je pense que les deux font partie de moi. »

Ce n’est pas son retour à Winnipeg qui arrêtera la militante. « Je veux trouver une façon de me battre pour cette cause ici. J’aime le fait qu’il y a beaucoup d’initiatives écologiques à Winnipeg, comme les Co-op vélo, les projets d’énergies renouvelables. J’aimerais faire plus partie de ce monde-là. »


(1) Femfest Bake-Off, Asper Centre for Theatre and Film (Université de Winnipeg, 400 Colony Street), lundi 18 septembre 2017, 19 heures