L’élection sans appel de Wab Kinew à la tête du NPD est un vote potentiellement historique. Puisque pour la première fois dans l’histoire de la province, un politicien issu d’une Première Nation pourrait diriger le gouvernement du Manitoba.

S’il est vain de spéculer sur les chances de l’ancien rappeur d’accéder un jour à la fonction politique suprême de la Province du Milieu, il est en revanche utile de souligner l’importance de l’éducation dans le parcours de celui dont les parents ont décidé d’inscrire leur enfant au Collège Béliveau. Outre le fait qu’il sait s’exprimer en ojibwé, le chef néo, sitôt qu’il parle le français, devient de facto une figure de proue pour souligner les mérites de l’immersion française et donc du bilinguisme d’adhésion.

Le simple fait que le député de Fort Rouge est qui il est, devrait être compris comme une chance formidable pour la société manitobaine de se regarder dans le miroir.

En effet, les sociologues nous ont appris voilà bien longtemps que dans un groupe de population donné, un racisme s’installe au-delà d’un tout petit pourcentage de gens considérés comme culturellement différents. Un besoin quasi instinctif de rejeter l’autre s’impose. L’ignorance étant l’un des fardeaux qui mine toute société, il s’ensuit un racisme latent, puisqu’environ 11 % d’Autochtones (Premières Nations, Métis, Inuit) vivent à Winnipeg.

Mais ce racisme, autrement dit ce besoin de ségrégation qui ne veut pas dire son nom, est le fait d’individus. L’odieux phénomène n’est pas dû à des politiques légitimées par le pouvoir politique. Le Manitoba n’est pas le Mississippi. Chez nos voisins du Sud, le Mississippi, avec ses trois millions d’habitants, possède la double distinction de passer pour l’État le plus raciste aux États-Unis et d’être celui dont l’économie est la moins performante des 50 États.

Une réalité qui prend sa source dans l’évidence que le Mississippi pratique le racisme d’État. Les Mississippiens sont encore prisonniers de leur histoire, comme le met en lumière une poursuite contre l’État de parents Noirs qui veulent obtenir une éducation de qualité pour leurs enfants. (1)

Les plaignants font valoir que le Mississippi est en contravention du Readmission Act de 1869, imposé aux perdants de la guerre de Sécession. Cette loi fédérale exigeait, entre autres, un système uniforme d’écoles publiques. Mais à la première occasion, c’està- dire en 1890, lorsqu’une majorité ouvertement raciste a pris le pouvoir, le Readmission Act a été amendé pour empêcher les Noirs d’obtenir une éducation à la hauteur. Avec pour résultat de consolider la ségrégation. (2)

La décision en 1954 de la Cour suprême des États- Unis de déclarer illégale la ségrégation dans les écoles du Mississippi n’a rien changé sur le plan de la qualité de l’éducation. Pour une raison simple : les écoles sont financées par l’État, mais surtout par les impôts locaux du district où se trouvent les établissements scolaires. Et dans les districts scolaires à forte majorité Noire, à cause de la pauvreté, les écoles sont très sous-financées. La piètre qualité de l’instruction a pour conséquence directe d’exclure la grande majorité des Noirs de la vie politique.

Le NPD se cherche de nouveaux axes politiques pour séduire l’électorat. Sous le leadership de Wab Kinew, faire de l’éducation une priorité aurait le mérite d’être éminemment crédible.


(1) Voir The Guardian, édition en ligne du 27 août 2017. La poursuite contre l’État du Mississippi a été initiée par des parents de la ville de Madison.

(2) La coïncidence historique mérite d’être soulignée : c’est aussi en 1890 que les orangistes anti-catholiques et anti-français ont coupé les ailes au bilinguisme manitobain en votant le Official Language Act, qui faisait de l’anglais la seule langue officielle du Manitoba