Il y a 500 ans, le 31 octobre 1517, Martin Luther, alors un moine catholique, placardait ses 95 thèses condamnant le commerce des indulgences sur une porte d’église de Wittemberg, en Allemagne. Le revendicateur enclenchait ainsi la Réforme protestante.

Les chrétiens et les historiens connaissent la suite : disputes théologiques, excommunication de Luther, multiplication des confessions chrétiennes, guerres de religion et des siècles d’animosité.

Une animosité que des luthériens et des catholiques de Steinbach et de La Broquerie s’efforcent de disperser.

 

Par Daniel BAHUAUD

Ils étaient 60 luthériens et catholiques, le 25 octobre, à converger vers l’église Saint-Joachim, à La Broquerie, pour prier et discuter de leur foi chrétienne commune.

Pour Jean Balcaen, un des coordonnateurs de l’évènement, « se rencontrer pour souligner ce qui nous nous unit, plutôt que de mettre en avant nos différences, est une expérience positive et émouvante ».

« J’ai l’unité des chrétiens à cœur. Ça fait 25 ans que j’y réfléchis. J’ai eu beaucoup d’occasions de travailler avec des collègues appartenant à d’autres religions. Quand on garde l’esprit ouvert, on peut se parler et venir à se comprendre davantage. J’ai souvent assisté à des services anglicans et luthériens pour mieux les comprendre.

« Il y a six ans, alors que je siégeais au CA de l’ancien ORS Santé Sud-Est, j’ai engagé une discussion avec George Sawatsky, un luthérien qui était au CA avec moi. On a tout de suite pensé à organiser une rencontre annuelle, dans le cadre de la Semaine de l’unité des chrétiens, qui se déroule en janvier. Depuis, la paroisse Saint-Joachim et l’église luthérienne St. Paul’s tiennent des services interconfessionnels en janvier. Mais on a vite compris que se rencontrer une fois l’an, ça ne suffisait pas. »

Une opinion partagée par la Conférence des évêques catholiques du Canada et l’Église évangélique luthérienne au Canada. Pour commémorer dans un esprit d’unité le 500e anniversaire de la Réforme, ces hautes instances ont préparé des guides pour faciliter les rencontres entre leurs fidèles.

Terry Gudmonson, le pasteur de l’église St. Paul’s, explique : « Le plus difficile, c’est de faire le premier pas, de décider de se rencontrer. Lors de notre première rencontre, le 20 septembre dernier à Steinbach, notre choix collectif a été de toujours nous placer dans la perspective de l’unité. Après avoir prié ensemble, nous nous sommes assis en petits groupes, et nous avons discuté de notre foi, de notre attachement au Christ.

« On a répété l’exercice le 25 octobre. C’est extraordinaire combien ça fonctionne bien quand on est ouvert à l’idée d’être transformé par la rencontre d’autres chrétiens. Face à face, on se parle, on écoute, on vient à se connaître. »

Anne Appelby, une paroissienne de St. Paul’s, partage cette conviction. « C’est fort de pouvoir se rencontrer comme simples chrétiens. On n’est pas là pour résoudre les grandes questions théologiques. Mais pour prier le même Dieu. En jasant, on s’aperçoit qu’on récite souvent les mêmes prières. Souvent aussi, nos liturgies respectives se ressemblent beaucoup. »

Pour Melissa Frankland, prêtresse anglicane et ajointe du révérend Gudmonson, « c’est une autre manière d’envisager le corps du Christ ». « Et d’envisager d’autres manières d’afficher visiblement notre unité. Récemment, St. Paul’s a organisé des activités de jeunesse. On a invité les jeunes de Saint-Joachim. »

Jean Balcaen.

Jean Balcaen souhaite que les deux églises mettent sur pied d’autres activités en commun. « Qui sait? On pourrait organiser des groupes de prière, ou d’étude biblique. Ensemble, on pourrait réaliser des activités de charité, comme accueillir des réfugiés. Je suis confiant que c’est faisable.

« Par ailleurs, beaucoup a changé. Dans l’Église catholique, grâce au premier pas du pape Jean XIII, qui a invité des protestants au Concile œcuménique Vatican II. Depuis, il y a eu beaucoup de progrès. L’encyclique Ut unum sint (Qu’ils soient un) du pape Jean-Paul II, et surtout la Déclaration commune sur la justification par la foi signée par l’Église catholique et la Fédération mondiale luthérienne, ont permis de s’entendre, sur le fond, sur le rôle de la foi dans le salut des chrétiens.

« C’est extraordinaire. Autrefois, les protestants étaient vus comme des ennemis. Aujourd’hui, ils sont nos alliés. Bien sûr, il reste beaucoup du chemin à faire avant qu’on puisse communier ensemble. Un but d’ailleurs pour lequel on a prié ensemble. Chose certaine, si nos grands-parents savaient qu’on se rencontrait comme ça, ils se retourneraient dans leur tombe. Et tant mieux! »