Après dix ans et 20 millions de pertes en pubs fédérales, après des années de pressions pour corriger la situation, les groupes de médias en milieu minoritaire n’ont toujours pas l’oreille du gouvernement Trudeau. Confrontés à la perte de membres, ils ont lancé début janvier une proposition pour rencontrer les acteurs fédéraux autour de la table du Commissariat aux langues officielles (CLO).

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

À Ottawa, le message a été reçu. Déjà, les trois groupes de médias ont rencontré le CLO le 11 janvier.
« On a eu une oreille attentive, explique le président de l’APF, Francis Sonier, notre dossier est actif. C’est notre souhait de rencontrer les ministères fin février, début mars, lorsque le nouveau commissaire (Raymond Théberge) sera en fonction. Mais il n’y a pas de confirmation. »
L’Association de la presse francophone, l’Alliance des radios communautaires et la Québec Community Newspapers Association ont publié le 4 janvier un message aux ministres Mélanie Joly de Patrimoine canadien et Carla Qualtrough de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC). Leur but était d’inviter les ministères à une réunion de la dernière chance pour élaborer « un plan d’action harmonisé ». Au moment de publier, Francopresse a reçu un message conjoint des ministres Joly et Qualtrough, transmis par le relationniste Simon Ross, de Patrimoine canadien. Selon elles, les médias communautaires sont essentiels à la vitalité des communautés de langues officielles : « Nous remercions l’APF, l’ARC et la QCNA pour l’invitation et la considérons. »
D’ici là, le rôle du Commissariat est critique. Après avoir reçu de nombreuses plaintes des journaux et radios quant à la chute des pubs fédérales (achetées via SPAC), il a publié en juin dernier un rapport dénonçant la politique des ministères. « Les achats d’espace ou de temps dans les médias doivent inclure les organes d’information qui desservent la minorité francophone ou anglophone. »

Trois rapports et la même conclusion

Les médias communautaires ont également reçu en juin l’appui du Comité permanent des langues officielles des Communes. Puis en décembre, un rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales confirmait des anomalies dans la gestion des publicités et présentait dix recommandations. Mais le gouvernement ne semble pas disposé à modifier son orientation, qui consiste à diriger ses publicités vers les géants du web. La ministre Joly a mis de l’huile sur le feu en affirmant à plusieurs reprises l’an dernier que Patrimoine canadien n’allait pas appuyer dans la transition numérique « des modèles d’affaires qui ne sont plus viables ».
Les journaux et radios en milieu minoritaire reconnaissent la tendance vers le numérique. Mais, clament-ils dans leur lettre, « la situation des communautés linguistiques ne peut être comparée à celle des autres. Il est impensable qu’à court et moyen terme, les médias communautaires puissent générer assez de revenus d’une plateforme numérique pour survivre et de continuer à informer leurs communautés. » Francis Sonier continue à espérer. « On s’est plaint et le commissaire nous a donné raison. C’est surprenant que les deux ministères n’ont pas réagi (en 2017). La meilleure option, c’est de s’assoir ensemble. Il faut d’abord réparer les torts et ensuite élaborer des mesures à long terme. »

Huit radios communautaires en péril

Les organismes pensent déjà à l’étape suivante, sans exclure le recours juridique.
« On sait qu’il y aura un suivi en juin prochain au rapport du commissaire, note le président de l’APF, c’est déjà prévu. Si le rapport est favorable, on verra nos options à ce moment-là.» L’Alliance des radios communautaires comptait 26 membres jusqu’à la fermeture de CKRP (Alberta) le 20 novembre.
Le secrétaire général François Côté s’était montré découragé de n’avoir rien en mains, après des années de lutte, pour sauver des médias vantés sur la place publique comme étant des piliers de la vitalité des communautés. « La vitalité va en prendre un coup si rien n’arrive, a-t-il lancé en décembre. Si au moins on pouvait dire aux membres qu’il y a quelque chose qui s’en vient; mais on n’a rien à leur dire. C’est une situation difficile à vivre. » Huit radios seraient en péril.