Le Manitoba compte près de 15 000 musulmans, dont la plupart parle arabe. Cette communauté est en pleine croissance. Pas étonnant que des parents arabophones militent pour l’inclusion de leur langue dans les écoles publiques. Pour réaliser ce rêve, plusieurs obstacles restent à franchir.

Par Daniel BAHUAUD

Ibrahim Eldessouky est le coordonnateur de l’Association des Manitobains pour l’éducation arabe, établie en 2012. « J’ai deux enfants. Je voudrais qu’ils puissent apprendre à lire et à écrire la langue que nous parlons à la maison.

« Nous vivons à Winnpeg depuis 2011. Nous habitions Montréal, où les familles n’ont aucune difficulté à placer leurs enfants dans des programmes d’arabe dans les écoles publiques. Au Manitoba, ça reste un projet à réaliser. Et ce n’est pas facile. »

Ce qui n’empêche pas l’Égyptien d’origine de militer. Déjà, l’Association a obtenu la permission d’utiliser des locaux dans plusieurs divisions scolaires. « Les samedi, les parents intéressés se rendent avec leurs enfants au Centre René-Deleurme à Saint- Vital, à l’École General Wolfe à Winnipeg ou encore au Collège Saint-Norbert et à l’Université du Manitoba pour des cours de trois heures. Mais ce que souhaite l’Association, ce sont des cours intégrés à la programmation scolaire.

« La possibilité d’utiliser ces locaux est très appréciée. C’est un premier pas important. Mais il serait encore plus aisé pour les familles si l’arabe devenait une langue scolaire. »

Zakaria Bouhaddou, un père d’origine marocaine, est du même avis. « Je conduis mon fils Mohammed fidèlement au Centre René-Deleurme chaque fin de semaine. Mon fils, comme ma fille adolescente, sont élèves de la Division scolaire francomanitobaine. Ce serait bien plus facile ce serait si nos enfants pouvaient suivre leurs cours dans une école de la DSFM. »

Autre obstacle : il faut un nombre minimum et constant d’élèves. Ibrahim Eldessouky explique : « Il faut environ 25 jeunes d’un même âge pour une classe. Et puisqu’il faut pouvoir offrir le cours à chaque année, il faudrait avoir le nombre suffisant à tous les ans. C’est un défi énorme à relever. Dans les divisions scolaires de Selkirk et de Seven Oaks, les Ukrainiens ont réussi à remplir ce critère. Les hispanophones de Winnipeg aussi.

« À long terme, nous sommes optimistes. À tous les ans, la population musulmane du Manitoba augmente de 7 %. Après le tagalog parlé par les Philippins, l’arabe est la langue la plus parlée par les immigrants. À court terme, on sait que les classes combinées sont permises. »

Côté programmation, Zakaria Bouhaddou note que les cours utilisent le curriculum d’arabe approuvé en Alberta. « C’est l’arabe classique, celui de tous les jours. Celui qu’on parle et qu’on entend à la télé et à la radio, et qu’on peut lire dans les journaux. C’est celui qui permet aussi de lire le Coran.

« Nous avons des enseignants qualifiés. La plupart d’entre eux ont une formation en pédagogie. La Province nous a déjà dit qu’elle leur offrirait un permis d’enseignement. Comme ça, nos profs pourraient obtenir leur Baccalauréat en éducation le soir, tout en travaillant. »

Parent d’origine mauritanienne, Sidi Hartane croit que l’arabe dans les écoles publiques serait « un atout pour toute la communauté ». « Il y a certainement un besoin. La plupart des parents enseignent l’arabe à leurs enfants à la maison ou à la mosquée de manière bénévole. Si on pouvait avoir un appui officiel, ce serait positif. À la DSFM, les cours d’arabe contribueraient à un enrichissement du milieu scolaire, tout en étant un excellent outil de recrutement. »