Par Bernard BOCQUEL
Il est dans notre province une organisation centenaire dont on ne parle pas assez. Une organisation qui pourtant joue un rôle unique dans notre monde voué à l’ouverture aux autres : l’Alliance française du Manitoba.
Elle fait partie d’un immense réseau. Il existe en effet au monde quelque 850 Alliances françaises, dont neuf au Canada. Celle sur la Corydon à Winnipeg figure parmi les plus importantes au pays, après Toronto, Vancouver et Halifax. (1)
S’intéresser aux activités de l’Alliance revient à prendre le pouls du bilinguisme d’adhésion au Manitoba. Car sa vocation est triple : école de langue, producteur culturel et fournisseur de ressources. Sa dimension école de langue est en plein essor depuis deux ans, dans le prolongement de l’arrivée en septembre 2015 de son actuel directeur, le Français Alan Nobili.
L’an dernier, huit enseignants ont donné une quarantaine de cours répartis sur cinq sessions. En tout il y a eu 1 200 inscriptions, ce qui représente plus de 750 étudiants motivés pour 1 001 raisons d’élargir leurs connaissances de la langue française. La plupart vivent à Winnipeg, 80 % sont adultes.
Le succès de l’école de langue fait que l’Alliance française du Manitoba a atteint un chiffre d’affaires de 400 000 $. Essentiellement, l’organisation s’autofinance. Le coup de pouce financier provient du gouvernement français, qui paie Alan Nobili, au pays pour un contrat de quatre ans. L’homme a une âme de musicien. Comme tout bon DJ qui respire la culture à pleins poumons, il est heureux quand dans l’action il exerce une attraction.
« On connecte la francophonie manitobaine au reste du monde. On est là pour nourrir le dialogue entre les cultures francophones d’ici. On s’est ouvert à des partenariats pour mieux aider ceux qui le veulent à se construire une identité francophone. »
L’un des partenariats a été conclu avec la Division scolaire de Winnipeg. Il s’agit d’une initiative pionnière au Canada pour aider les parents d’enfants en immersion : French for Parents, un cours taillé sur mesure pour des parents qui veulent aider leurs enfants en immersion.
Alan Nobili avait ainsi mis French for Parents en perspective dans La Liberté du 22 au 28 novembre 2017 : « Traditionnellement, nous avons offert des cours pour individus ou des cours de groupe sans tenir compte de leurs besoins particuliers. Ce nouvel effort s’inscrit dans le désir d’accompagner ces familles pour qu’elles puissent intégrer la grande famille de la francophonie manitobaine. Tout ça dans l’esprit de la Loi 5, qui reconnaît que les francophones sont ces personnes qui ont une affinité spéciale avec la langue française. Et ces personnes peuvent venir du milieu immersif, pas seulement être de souche métisse, canadienne-française, française, etc. »
Dans la même veine, l’Alliance française propose, toujours en lien avec la Division scolaire de Winnipeg, Les p’tits francophones, un cours pour permettre à des jeunes d’apprendre de façon ludique des expressions françaises du quotidien. Cette initiative est le résultat de la demande d’une poignée de parents déterminés, sûrs de la bonne volonté de l’équipe de l’Alliance. Autre projet prévu pour des jeunes de 10 à 16 ans : des camps d’été.
« Le message que l’on transmet aux parents est simple : Si vous n’êtes pas francophones, il y a de fortes raisons de croire que vos enfants le seront. » Paroles d’un Français de France ouvert sur l’universel, archimotivé à faire sa part pour que les mentalités d’ici évoluent au point où il ne viendrait à l’idée de personne de voir le français comme une langue étrangère au Canada.
(1) Fondée en 1915 par le très francophile prof d’université William Frederik Osborne, l’Alliance française du Manitoba dispose d’un directeur français depuis 1984. À la présidence, Agnès Champagne a succédé à Huguette Le Gall en septembre 2016.