Par Bernard BOCQUEL
Nous voilà au beau milieu des Rendez-Vous de la Francophonie, dont le point culminant sera la Journée internationale de la Francophonie du 20 mars. Il s’agit de la 20e édition de ces Rendez-Vous qui proposent à l’échelle du pays une panoplie d’activités à vocation culturelle et pédagogique.
La francophonie, un mot, un concept qui se veut rassembleur, tant il faut bien avoir à l’esprit que près de 300 millions (estimés) de francophones de la planète représentent, au-delà du lien linguistique, une tranche humaine d’une formidable, d’une extraordinaire diversité.
Cette diversité de la Francophonie se retrouve aussi à notre échelle manitobaine. Grâce à la naissance du Manitoba imposé à Ottawa par les Métis canadiensfrançais de la Colonie de la Rivière-Rouge, les langues anglaise et française ont la même légitimité juridique. Une victoire qui a permis d’abord l’arrivée de Canadiens français du Québec, des États-Unis; puis des Français de diverses régions, quelques Suisses, des Belges. Depuis une vingtaine d’années, par politique gouvernementale, la Francophonie manitobaine continue de s’enrichir, notamment d’immigrés africains.
Si bien qu’en ce début du 21e siècle, cette Francophonie manitobaine est bel et bien un microcosme de la Francophonie planétaire. Au point où l’an dernier les refondateurs de l’organisme politique chargé de défendre les intérêts des francophones ont sans aucune opposition publique transformé une « Société franco-manitobaine » cinquantenaire en une « Société de la francophonie manitobaine ».
La fantastique montée en puissance de la population humaine, qui a plus que doublé depuis un demi-siècle, a fait des langues un enjeu majeur. Comme la langue du plus fort économiquement risque toujours d’étouffer les langues de pays moins riches, la France a dû se résoudre à vanter les mérites du français avant que l’étoile de sa langue nationale ne faiblisse trop.
Ainsi, entre 1967 et 1989, les politiciens d’une cinquantaine de pays se rencontraient sous l’égide de l’Association internationale des parlementaires de langue française. Entre 1989 et 1998, ils se réunissaient au sein de l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française. Depuis 1998, ils se retrouvent dans l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, création politique par excellence.
Très préoccupé du rayonnement international de la France, le président français Emmanuel Macron a fait part aux Africains francophones de sa volonté de stimuler un renouveau de la Francophonie. Sa démarche fait débat. Car sous-jacent à la défense de la langue persiste toujours le soupçon africain d’un désir de l’ancien maître colonial de préserver ou d’accroître indûment son influence.
Les réflexions de l’écrivaine ivoirienne Véronique Tadjo méritent d’être connues. (1) Elle défend une « Francophonie agissante » : « J’estime que la Francophonie n’est pas morte. On peut encore en faire un espace de solidarité. La langue française n’est pas simplement la langue parlée, c’est la langue de l’enseignement dans une majorité de pays francophones. C’est un outil de travail et une porte ouverte sur le monde extérieur. C’est aussi une langue entre nous – je parle ici en tant qu’Africaine -, nous nous parlons en français, donc cette langue joue aussi un rôle de cohésion en Afrique. »
Dans l’Afrique aux centaines de langues locales bien vivantes, la Francophonie assure des liens entre gens de divers fonds linguistiques. Au Manitoba, le concept de Francophonie existe sous la forme d’espaces francophones pour les personnes qui veulent rester ou devenir bilingues fonctionnels. Qu’on se le dise haut et fort, d’où qu’on vienne : le modèle manitobain de la Francophonie n’existe pas en opposition à l’anglais ou pour freiner son influence. Il existe pour mieux souder la société manitobaine. Le français, ici aussi, est une langue de cohésion.
(1) Entrevue à la chaîne France 24 le 28 janvier 2018