L’histoire de Jason Martin est pour le moins atypique. Joueur de hockey pendant l’enfance et l’adolescence, il se reconvertit dans la danse à l’âge de 21 ans, avec l’idée d’en faire son métier. Un an après sa première visite à Winnipeg, l’artiste québécois revient présenter Beyond, sa nouvelle création avec le Winnipeg’s Contemporary Dancers. (1)

Par Manella VILA NOVA

Pendant 17 ans, Jason Martin n’a vécu que pour le hockey. « J’ai quitté la maison à 17 ans pour le sport. J’ai joué dans des équipes en Ontario et aux États-Unis. À la fin, j’avais des blessures, et je savais que je n’allais pas réussir à faire carrière. En rentrant au Québec, j’ai repris les études. En allant à l’un de mes cours, je passais toujours devant l’école de danse. J’avais un grand désir de changement en moi. Je voulais tout briser pour recommencer. C’était la période de So You Think You Can Dance, il y avait un buzz autour de cette discipline. Alors je me suis dit pourquoi pas? »

Il auditionne et est sélectionné pour rejoindre l’école. « J’ai toujours pensé que tout le monde peut faire ce qu’il veut. Il suffit de comprendre l’essence de ce que tu fais, et tu peux t’améliorer assez rapidement. » Après deux mois de danse, son choix est fait: il sera danseur professionnel. « J’avais décidé que j’allais en faire ma carrière. C’est devenu mon but. Je ne comptais pas arrêter avant d’avoir réussi. »

Six mois après son premier cours de danse, Jason Martin se présente déterminé à l’audition de l’École de danse contemporaine de Montréal. « Nous étions 150 à l’audition, pour 20 places. J’avais pris la décision de le faire, j’avais un bagage physique fort. Le hockey m’avait apporté de la discipline, et je pense que ça m’a aidé à voir mes lacunes rapidement, et à essayer de les comprendre pour progresser. Et j’ai été accepté à l’école. »

Le danseur est bien armé à la fin de ses trois ans de formation. « On m’avait dit de tamiser mes attentes. Ça m’a aidé dans mon parcours à l’école, parce que je me forçais à travailler comme un professionnel en studio. J’étais dur avec moi-même, mais j’étais là pour maximiser mon temps et être le meilleur danseur possible. Cela m’a permis de travailler de nouveau avec beaucoup des chorégraphes qui étaient venus à l’école à ma sortie. »

Puis tout s’est enchaîné très vite pour Jason Martin. « J’ai travaillé avec trois compagnies, puis les tournées ont commencé. Cinq mois après ma sortie de l’école, j’étais lancé, et je travaille depuis ce temps là. » L’artiste a ensuite commencé à diversifier son travail. « À l’école, j’avais commencé à caresser ma fibre chorégraphique. J’aime particulièrement le mouvement des textures et les fibres de l’humain. »

Il présente sa première création, Raw, en 2014. Peu de temps après, c’est son ancienne école qui fait appel à lui. « Ce projet, qui était un laboratoire de création, était une porte d’entrée qui a fait connaître mon travail. » À la sortie de son troisième projet, il est confronté à la critique pour la première fois. « Je me suis beaucoup questionné sur ce qui m’intéressait, au delà des mouvements et des effets. C’était une leçon d’humilité, parce que mon parcours avait été trop vite, trop bien. »

Au printemps dernier, Jason Martin a effectué sa première visite à Winnipeg pour présenter Falling, un spectacle qu’il a co-créé avec la danseuse-chorégraphe Janelle Hacault. « Le spectacle a été apprécié. Deux jours plus tard, le Winnipeg Contemporary Dancers lançait l’appel d’offres pour les postes d’artiste en résidence. On m’a conseillé de postuler. Après plusieurs rondes, ils ont sélectionné deux dossiers : le mien, et celui de Danielle Sturk. »

C’est donc avec plaisir qu’il est revenu en mars pour préparer sa nouvelle pièce, Beyond. « J’adore Winnipeg. Randal Newman et Brent Lott, du Winnipeg Contemporary Dancers, ont vraiment cru en moi, et je sens qu’on est heureux que je sois ici. Il y a un désir de dialoguer, d’apprendre, et je ressens une vague de changement. J’ai l’impression d’apporter quelque chose à la ville, et on me le rend bien. Et c’est super inspirant. »

(1) Beyond, par Jason Martin au Rachel Browne Theatre du 3 au 5 mai à 20h. 204-452-0229.