Il sera impossible pour le Canada d’atteindre sa cible de réduire les gaz à effet de serre fixé pour 2020 dans le cadre de l’Accord de Paris, selon la commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada. Alors que les 195 pays signataires du pacte étaient réunis cette semaine à Bonn (Allemagne) pour préparer le sommet de décembre, le Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles publiait un rapport plaidant pour une « société sans carbone » d’ici 2030.

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

Le Comité résume le dilemme national dans son quatrième rapport sur la question. « En 2015, plus de 700 000 emplois au pays étaient attribuables à l’industrie pétrolière et gazière, qui a contribué 142 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB). Cependant, cette industrie constitue aussi la plus grande émettrice de GES (26 %) et la principale source de la croissance des émissions. »

La cible de 2030 exige une transformation titanesque

Citée dans le rapport, la commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand, reconnait qu’en raison de son inaction, « le Canada a raté des occasions » et « que le pays ratera l’objectif de réduction fixé (17 % sous les niveaux de 2005) pour 2020 ».

Atteindre la cible de 2030 exigerait « une transformation titanesque des modes de production et des habitudes de consommation d’énergie, estime le Comité. Il faut concevoir une société essentiellement transformée et sans carbone. »n

La consommation du pétrole continue d’augmenter, dépassant pour la première fois en décembre la barre symbolique de 100 millions de barils par jour. D’après l’Agence internationale de l’énergie, le pétrole et le charbon constituent 81 % de la consommation mondiale, comparativement à seulement 4 % pour les énergies renouvelables. Selon les politiques courantes, l’utilisation des énergies fossiles continuerait sa progression pour encore quelques décennies afin de nourrir la boulimique planète.

La Manitobaine Françoise Therrien Vrignon n’est pas surprise des ratés canadiens. « Ayant suivi les politiques (du gouvernement) Harper, je n’ai jamais pensé qu’on allait atteindre les cibles. C’était juste un pass the buck au prochain gouvernement.

« Ce que j’entends autour de moi, note la candidate du Parti vert aux élections partielles dans le comté provincial de Saint-Boniface, c’est qu’on ne peut pas se fier au fédéral ni aux gouvernements provinciaux dans la situation actuelle pour atteindre les cibles qu’on veut se donner comme société. »

Françoise Therrien Vrignon, candidate à Saint-Boniface

Pour avancer, propose l’aspirante au siège de l’ancien chef néo-démocrate Greg Selinger, il faudra se détacher des énergies fossiles. « On veut une économie locale plus verte, des autobus électriques, du transport actif et des octrois pour rendre nos entreprises plus vertes. »

La candidate déplore l’attention médiatique centrée sur le projet d’oléoduc Trans Mountain de la côte ouest alors que le Sud-Ouest manitobain est le théâtre de fracturations pétrolières. « Ce n’est pas juste dans l’Ouest qu’il y a des conflits, mais on n’en parle pas. » Le chantier de Bakken Oil Fields s’étend sur deux provinces et deux états américains.

La candidate du Parti vert du Manitoba dans l’élection partielle de Saint-Boniface, Françoise Therrien Vrignon : « Les gens sont prêts à être responsables quant à leur rôle dans la société par rapport à l’énergie. » (Photo : Miguel J. Fortier)

Françoise Therrien Vrignon est toutefois inspirée par la coalition entre le NPD et le Parti vert en Colombie-Britannique qui a formé un gouvernement minoritaire.

« On est en train de bloquer le projet de pipeline. C’est tellement encourageant pour ma génération de voir qu’une coalition, ça fonctionne. On ne voit pas souvent des ententes à l’extérieur des lignes partisanes. »

Ryan Mieli, chef du NPD en Saskatchewan

La donne pourrait changer aussi dans la province voisine où le nouveau chef du parti néo-démocrate tentera de renverser le Saskatchewan Party en 2020. Ryan Mieli n’est pas non plus étonné de l’échec des cibles.

« Plusieurs provinces n’ont pas fait l’effort nécessaire pour diminuer leurs émissions, particulièrement la Saskatchewan qui a refusé toute action sur le changement climatique. Mais tout le monde est responsable : le fédéral, les provinces, les industries et les gens qui font des choix. »

Si le néo-démocrate applaudit le cadre national élaboré par Ottawa, il déplore que l’adhésion des provinces n’ait pas été unanime. « Notre province a choisi de ne pas faire partie des initiatives fédérales. Et on va se faire imposer le plan d’Ottawa. C’est une erreur. »

Le parti de Ryan Mieli prépare un programme vert qui minimiserait les incidences sur l’économie. « Nous allons protéger les familles pour que le coût de la vie ne monte pas trop, les industries qui sont exposées sur le marché international et l’agriculture qui utilise beaucoup d’énergie. »

Le comité présidé par la sénatrice québécoise Rosa Galvez produira plus tard cette année un rapport final recommandant des pistes pour atteindre les prochaines cibles canadiennes.