Les problèmes ont commencé en 2014, pour Richard (1). Père de deux garçons, issus d’un premier mariage, il avait adopté la fille adolescente de sa seconde conjointe, et ensemble, ils ont une autre gamine. S’il a obtenu la garde de sa cadette après 30 000 $ de frais d’avocats, il ne caresse plus l’espoir de revoir l’adolescente de sitôt.

Par Catherine DULUDE

Des relations qui se brisent, c’est fréquent. Des parents qui manipulent les faits pour empêcher leur ex-conjoint de voir leurs enfants, c’est rare. C’est pourtant ce qui est arrivé à Richard. Dès 2014, la tension monte dans le couple.

Des disputes. De la discorde. Les parents évoquent la séparation, mais sans plan concret. « En mai 2015, j’ai reçu un appel des Services de protection des enfants pour me dire qu’une allégation très sérieuse pesait contre moi. Ma femme avait rapporté une agression contre sa fille, celle que j’ai adoptée. Je devais donc contacter la GRC pour une enquête. »

À cause de la nature sexuelle de l’allégation, Richard a dû quitter le domicile familial, jusqu’à la conclusion de l’enquête, quatre mois plus tard. L’allégation a été jugée sans fondement par les enquêteurs. Malheureusement pour Richard, ce n’était que le début d’une longue série d’allégations du genre.

Il raconte que c’était la manière de son ex-femme de se séparer et de garder les enfants : « Quand on se chicanait, elle me disait qu’elle ne me laisserait jamais avoir les enfants si on se séparait. J’ai tout de suite su ce qu’elle était en train de faire. »

Après le retrait de l’accusation, il revient à la maison. Il la trouve vide. La mère et leurs deux filles ont déménagé. Si Richard voit toujours ses garçons, issus du mariage précédent, et ce, sans embûches, cette séparation se montre plus corsée. Sa deuxième femme lui impose des visites supervisées à ses frais s’il veut voir leur plus jeune fille. « J’avais deux heures de visite par semaine, ou même parfois aux deux semaines. »

Et ce n’est qu’un an plus tard que Richard est enfin entendu devant les tribunaux. « Le juge a dit que la situation était ridicule et a établi un horaire de garde progressive pour que je puisse voir ma fille. » L’objectif était d’augmenter tranquillement le nombre d’heures passées ensemble, un processus important pour une petite qui n’avait presque pas vu son père en un an.

Alors que le père et la fille rebâtissent leur relation, la situation se détériore avec l’exconjointe. « J’ai 12 pages de notes de cas où elle a écourté les visites, ou bien où elles les a annulées. » Puis en mai 2017, Richard reçoit un autre appel des Services de protection des enfants qui l’informent que son ex-conjointe récidive avec une autre allégation. Mais cette fois, c’est le fils aîné de Richard, issu du mariage précédent, qui est accusé d’inconduite sexuelle contre sa petite soeur.

L’enquête stipule que l’allégation est sans fondement, mais celle de la police prend plus de temps. « Depuis l’allégation que mon ex-femme avait déposée contre moi, je savais qu’elle risquait de s’en prendre à mon fils. C’est pourquoi depuis cette histoire-là, je ne laissais jamais mon fils seul avec sa petite soeur, pour le protéger. »

Alors que l’enquêteur de la police est en congé, l’ex-conjointe de Richard dépose une injonction restrictive contre le fils. « Il n’y a rien à faire ou à dire devant le juge de paix pour empêcher le processus. » Richard se désole des conséquences psychologiques pour son fils. « Comment pensez-vous qu’un jeune garçon de 15 ans se sent, d’avoir ces allégations-là contre lui, et de ne plus pouvoir voir sa petite soeur? Et je ne peux pas les avoir dans la maison, en même temps. Ça chamboule complètement nos vies. » La cour a finalement renversé l’injonction le 29 mai 2018.

Richard affirme que la mère de leur petite a déposé au moins cinq autres allégations contre lui auprès des Services de protection des enfants, ce qui signifie qu’à chaque fois, l’enfant doit être interrogé et doit passer un examen psychologique. Son père se plaint auprès des services à l’enfance.

En novembre 2017, sa petite est appréhendée, à l’école, et placée en famille d’accueil durant six semaines, avec l’objectif d’octroyer la garde au père. Richard obtient finalement la garde en décembre 2017. La mère a seulement droit à des visites supervisées d’une durée de quelques heures par semaine jusqu’à ce qu’elle complète sa thérapie.

Quant à la fille adolescente, elle n’a plus de contact avec son père. « Je pense que plus tard, elle va revenir. Mais elle est trop influençable pour le moment. Honnêtement, je pense que c’est mieux qu’elle reste avec sa mère, car je ne voudrais pas que mon fils, ou moi, soient encore accusés d’agression. »

Les deux parents ont subi une évaluation psychiatrique, ordonnée par la cour. Richard attend toujours les résultats, mais ignore s’il pourra connaître ceux de son ex-femme. Après avoir dépensé plus de 30 000 $ en frais d’avocats, Richard a beaucoup de frustrations envers le système qui est si prompt à blâmer le père, ou à intervenir sans preuves d’abus ou de négligence. « Je sais que de nombreuses femmes ont besoin de ces ressources du système. Mais il faut réformer le système de justice pour les pères comme moi qui veulent s’occuper de leurs enfants. »

Richard a trouvé du soutien localement auprès de l’organisme Fathers’ Rights Manitoba. Et il confie que raconter son histoire soulage un peu sa peine.

(1) Puisque les enfants sont mineurs, le témoignage du père est anonyme, et La Liberté lui a octroyé le pseudonyme « Richard ».