Le premier ministre Justin Trudeau a surpris les Communes le 6 juin en annonçant une révision de la Loi sur les langues officielles que les minorités revendiquent depuis plus d’un an.

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

Le sénateur qui préside le Comité permanent des langues officielles, l’Acadien René Cormier, a accueilli avec enthousiasme la déclaration du premier ministre le 6 juin dernier. Le comité sénatorial avait pris l’initiative de lancer une étude de deux ans sur la modernisation de la loi, en mai 2017. « Le rapport qui émanera de l’étude que nous menons actuellement à ce sujet, et qui sera remis au gouvernement au printemps 2019, sera une source d’information inestimable pour renforcer cette loi qui aura 50 ans l’an prochain », a-t-il déclaré.

Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Jean Johnson, s’est également montré encouragé par la réponse du gouvernement, la qualifiant de « percée majeure ».

« Cet engagement du premier ministre, deux mois après le lancement du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, ouvre vraiment la porte à un monde de possibilités pour l’avenir de la dualité linguistique au pays », a-t-il formulé dans un communiqué.

Justin Trudeau s’est engagé : « La Loi sur les langues officielles est quelque chose d’essentiel pour notre Parti et notre pays. La protection des minorités linguistiques est au cœur de qui nous sommes en tant que pays. Nous allons continuer de défendre et de chercher à améliorer la Loi sur les langues officielles. Je peux confirmer que nous nous apprêtons à faire une modernisation. Nous allons travailler avec tous les Canadiens pour nous assurer que ce soit la bonne. »

Toutefois, le processus de révision et d’amendement ne sera vraisemblablement pas terminé avant le prochain scrutin fédéral.

« Le premier ministre attend quoi, exactement? »

Cette annonce a fait suite à une question du conservateur Alupa Clarke, rappelant d’abord que les minorités francophones, acadiennes et anglo-québécoises ont demandé cette révision unanimement : « La dernière fois qu’elle a été révisée, c’était sous un gouvernement conservateur en 1988. Même la Cour fédérale demande au législateur de réviser la Loi. Les Libéraux sont les seuls à ne pas emboiter le pas. Le premier ministre attend quoi, exactement, pour moderniser la loi? », a-t-il demandé.

Le député évoque un jugement rendu le 23 mai qui blanchit Ottawa dans la fermeture en 2011 de cinq centres d’aide à l’emploi en Colombie-Britannique – Ottawa avait transféré la responsabilité de ces centres et de leurs services en français à la Province en 2008. Le juge a refusé de blâmer l’administration provinciale mais a laissé entendre que le régime linguistique fédéral était insuffisant.

« Il est indéniable, à mon avis, que la portée de l’obligation contenue à l’article 41 (de la Loi sur les langues officielles) se trouve handicapée par l’absence de règlements. Ce silence règlementaire et l’imprécision qui en découle nuisent probablement aux minorités linguistiques du Canada, qui perdent peut-être un bénéfice potentiel attendu de la partie VII. »

Trois sénateurs se tournent vers les journaux

Le sénateur Cormier et ses collègues, Raymonde Gagné (Manitoba) et André Pratte (Québec), se sont tournés vers les journaux, le 1er juin, pour déplorer l’inertie fédérale.

« Devant les inquiétudes maintes fois exprimées au sujet de l’ambigüité de la partie VII et de l’absence de règles d’application, ont-ils écrit, ministres et fonctionnaires saluaient plutôt la “flexibilité” qui leur permettait de tailler des programmes sur mesure au bénéfice des communautés. Cette justification ne tient plus. La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, doit s’engager à une révision. »

Le message aurait atteint sa cible. « La Cour fédérale a clairement indiqué que c’est au fédéral d’agir, se réjouit Jean Johnson. Le premier ministre le sait et lance un signal qu’il a l’intention d’agir. »

René Cormier a rapporté que son Comité avait reçu à date quelque 125 témoins lors d’une trentaine d’audiences. Un des enjeux qu’il relève est de savoir qui est responsable de la conformité à la Loi. « Actuellement, c’est Patrimoine canadien. Mais il n’a pas de pouvoir sur les autres ministères. »