Près de trois mois après le lancement du Plan d’action pour les langues officielles, les médias locaux sont impatients de recevoir les fonds qui leur sont destinés. L’aide ne coulera toutefois pas avant 2019, poussant quelques radios et journaux au-delà de leur capacité de survivre. Le 18 juin dernier, le Comité permanent des langues officielles des Communes a mis tout son poids sur des mesures d’urgence, exigeant l’octroi rapide de 2 millions $ aux médias locaux.

 

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

Dans son rapport intitulé Les médias à l’heure numérique : arrimer les nouvelles tendances aux responsabilités fédérales envers les communautés de langue officielle, le Comité permanent des langues officielles des Communes demande que l’octroi de 2 millions $ soit disponible dès la première année du plan et que les programmes soient livrés sans tarder.

Les six recommandations surviennent à la suite d’un témoignage de l’Association de la presse francophone (APF), de l’Alliance des radios communautaires (ARC) du Canada et de la Quebec Community Newspapers Association (QCNA) devant le comité en mars dernier et d’une rencontre avec la haute gestion de Patrimoine canadien en avril pour obtenir un déblocage rapide des fonds.

Le comité veut pousser le ministère à « réserver immédiatement un fonds spécial d’urgence de deux millions et de le répartir en contrats de publicité nationale destinés aux médias des communautés ».

Réunis les 15 et 16 juin en congrès annuel, les membres de l’APF ont constaté la menace qui pèse à court terme sur au moins trois journaux. Autant de radios communautaires seraient menacées.

Éviter l’état d’urgence dans cinq ans

Le Plan d’action prévoit deux enveloppes quinquennales pour les médias communautaires, soit 10 millions $, ainsi que 4,5 millions $ pour des stagiaires dans les services de nouvelles. Patrimoine canadien se donne jusqu’à début 2019 pour élaborer l’encadrement des programmes.

La doctorante en sociologie de l’Université d’Ottawa, Marie Hélène Eddie, estime que les députés ont compris l’urgence de la situation. Elle déplore toutefois que dans l’urgence, même si le comité mentionne le virage numérique, il ne mette pas assez d’accent sur cet aspect de la problématique.

« Aucune recommandation ne permet d’appuyer ces médias à faire face à ce défi particulier. C’est pourtant le nerf de la guerre. Il faut trouver des mesures afin d’appuyer les médias à long terme et s’assurer de ne pas retomber dans une situation urgente dans cinq ans. »

La spécialiste des médias hors Québec reconnaît l’importance d’intégrer le soutien aux journaux et radios dans la prochaine version de la Loi sur les langues officielles, que le gouvernement Trudeau s’est récemment engagé à moderniser.

Il s’avère que l’APF et le QCNA conjuguent leurs efforts pour élaborer un premier outil national pour leurs prochains pas dans la transition numérique. Un projet de « portail de nouvelles unifiées » nommé canadalocal.media permettrait de publier les actualités des journaux et du service Francopresse sur une même plateforme numérique.

Taxer équitablement les géants Google et Facebook

La première phase du projet, financée par le Fonds du Canada pour les périodiques de Patrimoine canadien, permettrait à six membres de chacun des réseaux de se doter d’un site web dès 2019.

De plus, l’APF recevra une contribution de 150 000 $ sur trois ans du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes pour élargir l’espace médiatique en français au pays et pour élaborer, avec le concours du propriétaire du journal Le Droit, le Groupe Capital Médias, les prochaines étapes de sa transformation numérique.

Un appel d’offres pour le développement d’un plan d’affaires et de commercialisation du nouveau portail est paru fin avril. Les réseaux veulent non seulement que l’agrégateur soit autosuffisant, mais qu’il génère des revenus pour les journaux. Une stratégie sera également développée pour attirer des publicités nationales.

Marie Hélène Eddie appuie l’idée de développer un marché de publicités auprès d’entreprises nationales. Elle encourage également les organismes de presse à revendiquer des crédits d’impôt pour l’achat de publicités au Canada. Les groupes pourraient profiter
« d’une mesure axée sur les géants du web qui affecterait indirectement les journaux ».

Les médias sont de plus en plus nombreux à presser le fédéral à taxer les géants Google et Facebook. Selon l’organisme Les Amis de la radiodiffusion, l’achat de publicité nationale sur des sites étrangers coûte 1,3 milliard $ par année aux contribuables et constitue une menace à la survie des médias canadiens.