Ottawa investira 595 millions d’ici 2024 sur trois mesures fiscales
Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
Le ministre Bill Morneau a dévoilé le 21 novembre un autre aspect du plan fédéral d’aide au journalisme canadien dans son énoncé économique de fin d’année. La perspective de nouveaux crédits d’impôt et de reçus fiscaux a été bien accueillie par le secteur. Mais il faudra patienter pour toucher des fonds en attendant la création d’un comité d’experts et l’adoption de paramètres.
La vitalité d’une démocratie repose en partie sur une presse forte et indépendante, soutient l’énoncé de Bill Morneau. « Ces médias présentent aux citoyens l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées et contribuent à la responsabilisation des institutions, y compris les gouvernements, en mettant en lumière de l’information qui ne serait pas offerte au public autrement. »
Selon le président de l’Association de la presse francophone, Francis Sonier, les mesures représentent un avancement positif. « Ces initiatives sont on ne peut plus pertinentes notamment pour permettre à nos médias d’explorer et de revoir leur modèle d’affaires ainsi que pour diversifier leurs sources de revenus. »
L’annonce a comblé les attentes du président et éditeur du quotidien Le Droit, Pierre-Paul Noreau, membre de l’Association. « C’est un signal très fort qu’a donné le gouvernement fédéral quant à l’importance de l’industrie médiatique. »
Des objections d’entrave à la liberté de presse
Pierre-Paul Noreau enchaîne : « Monsieur [le premier ministre] Trudeau avait déjà affirmé l’importance d’une presse professionnelle et de qualité. Son ministre des Finances vient de poser un geste qui montre que ce n’était pas des mots en l’air. »
En offrant une aide directe aux salles de rédaction, le gouvernement libéral a écarté les objections d’entrave à la liberté de presse formulées par l’opposition aux Communes.
« Il ne faut pas être gêné par ça, affirme l’éditeur Noreau. C’est un coup de pouce qui se donne ailleurs. De nombreux pays européens soutiennent la presse. C’est quelque chose d’essentiel pour la démocratie. »
Les mesures d’une valeur de 595 millions sur cinq ans comprennent deux crédits d’impôt : le premier est remboursable et vise les postes liés à la production et à la rédaction; le second est non remboursable et porte sur l’abonnement numérique.
Les mesures alignées au plan d’action des médias
Pour l’éditeur d’Ottawa, les crédits d’impôt sont des éléments clés. « On ne sait pas encore comment ça va s’appliquer, mais même si c’était seulement pour les salles de presse, ça viendrait donner une bouffée d’air frais très importante. »
L’APF est impatiente de connaître les détails de la mise en œuvre, mais souligne que « toutes les mesures proposées par le gouvernement s’alignent avec le plan d’action du Consortium des médias communautaires de langue officielle en milieu minoritaire ».
Les membres devront attendre encore des mois avant de recevoir des crédits. Selon l’énoncé économique, « un groupe d’experts indépendant dont les membres proviendront de la communauté de la presse et du journalisme sera mis sur pied et chargé de définir les critères d’admissibilité. » Les détails seront connus lors du budget de mars 2019 et seront rétroactifs au début janvier.
Un cri d’alarme face au placement de pubs fédérales
Une troisième mesure permettrait aux organismes de presse sans but lucratif de recevoir des dons. Les médias constitués en entreprises sociales seraient habilités à émettre des reçus pour fins d’impôt.
Le gouvernement aurait aussi entendu le cri d’alarme des médias face au placement croissant de pubs fédérales chez les géants du web. Ottawa confirme en annexe de l’énoncé son intention de réinvestir une part des pubs dans la presse communautaire. Il souhaite « que les fonds fédéraux affectés à la publicité soutiennent mieux les plateformes et les fournisseurs de contenu canadien. »
Pierre-Paul Noreau rappelle que l’érosion de la publicité fédérale avait causé une réduction des effectifs des équipes de rédaction. « Les nouvelles mesures vont nous permettre de stabiliser ça et de renforcer nos salles au bout d’une année ou deux et même de faire de l’embauche éventuellement. »
Si le fédéral a entendu le message, c’est parce que la presse a parlé clairement, souligne Pierre-Paul Noreau. « Les médias ont fait un travail de sensibilisation qui a porté fruit, que ce soit les médias nationaux ou la presse en milieu minoritaire. »