Par Michel LAGACÉ

L’annonce inattendue que le gouvernement du Manitoba abolissait 11 postes de traducteurs souligne le besoin de repenser la mise en application de la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, mieux connue comme la Loi 5. Car, pour une troisième fois depuis l’adoption de la Loi en juin 2016, le gouvernement a décidé unilatéralement de couper des services qui appuyaient l’épanouissement de la francophonie. Sans préavis ni consultation, le gouvernement avait déjà fermé des cliniques express bilingues et, sans même l’annoncer, il a aboli le poste de sous-ministre adjoint au Bureau de l’éducation française.

Pourtant, la Loi 5 prévoit que la ministre des affaires francophones doit, entre autres, “agir à titre de défenseur” pour s’assurer que le gouvernement prenne en compte “les besoins de la francophonie manitobaine et que des ressources équitables soient affectées à ces besoins”. Or, le gouvernement n’a même pas respecté la lettre de la Loi en décidant de couper des services. La ministre, Rochelle Squires, loin de respecter la lettre et encore moins l’esprit de la Loi, se limite à défendre les décisions de son gouvernement, solidarité ministérielle oblige.

Comble d’ironie, la Loi crée un conseil consultatif des affaires francophones (CCAF) qui n’a pas encore été consulté sérieusement. Dans le cas des postes de traducteurs, le gouvernement a convoqué le conseil avec un jour d’avis pour annoncer une décision déjà prise. Le rôle des cinq membres nommés au CCAF sur recommandation de la Société de la francophonie manitobaine (SFM) doit être repensé. Seulement deux membres se sont présentés avec le directeur général de la SFM à la “consultation” sur l’abolition des postes de traducteurs. Leur rôle n’est sûrement pas de justifier les coupures gouvernementales. Pourtant, une des représentantes, Aileen Clark, a affirmé que l’objectif de la ministre était de “pouvoir offrir un service accru au niveau du volume de documents avec cette nouvelle structure”. Vraiment? Et on pourrait penser que le rôle des représentants de la SFM n’est sûrement pas si passif qu’elle puisse dire : “si on a des échos comme quoi on n’atteint pas les objectifs escomptés, c’est de l’aviser et lui porter conseil à ce niveau-là.” Des échos? On offre des conseils à partir d’échos?

Après ce plus récent fiasco, la SFM serait bien avisée d’établir des critères sérieux de sélection de ses représentants qui ne doivent pas se contenter d’agir comme tampon de caoutchouc du gouvernement. Elle devra aussi amorcer une discussion franche avec la ministre responsable des affaires francophones. La légitimité de la Loi 5 exige un esprit d’ouverture et de bonne volonté. Jusqu’à présent, ni l’esprit ni la lettre de la Loi n’ont été respectés, tandis que des mesures qui étaient en place pour appuyer l’épanouissement de la francophonie manitobaine disparaissent.