Par Michel LAGACÉ
Quand la Législature du Manitoba a décidé d’amalgamer 13 villes et municipalités pour créer la ville de Winnipeg telle qu’elle existe aujourd’hui, de nombreux citoyens craignaient la perte d’autonomie locale. Car, dès le 1er janvier 1972, les villes comme Saint-Boniface et Saint-Vital disparaissaient et les décisions locales relevaient ultimement d’un seul conseil central.
Aujourd’hui, comment peut-on connaître les origines et la vie civique des villes et municipalités qui sont disparues en 1972? La réponse se trouve évidemment dans les archives, et voilà où le bât blesse encore aujourd’hui. En 1995, la ville de Winnipeg a désigné sa plus ancienne bibliothèque comme son centre d’archives (1). Elle a plus tard voulu rénover l’édifice pour en faire un centre moderne avec des espaces pour recevoir le public et une voûte intérieure où la température serait contrôlée.
Durant les travaux entrepris en 2013, un orage a causé des dommages importants. Quelques archives ont été détruites et le reste a été déménagé “temporairement” dans un édifice anodin d’un district industriel. Depuis ce temps, l’édifice patrimonial demeure inoccupé et la consultation d’archives est devenue moins fréquente, faute de locaux adéquats qui faciliteraient la recherche. En 2016, le conseil de ville a même voté contre une proposition de restaurer l’édifice.
La semaine dernière, la Winnipeg Foundation, pour marquer son centenaire en 2021, a lancé un défi à la Ville de Winnipeg : elle lui offre jusqu’à 5 millions $ pour faire avancer deux projets dont le coût total s’élèverait à environ 24 millions $. Le premier projet serait de construire un lien piétonnier et cyclable sur la rivière Assiniboine, situé entre les rues Donald et Osborne. L’autre projet verrait enfin la rénovation de l’ancienne bibliothèque pour en faire un centre d’archives municipales et communautaires. L’ajout du volet communautaire reflète le fait que les organismes de tout genre à Winnipeg ne disposent d’aucun lieu pour conserver leurs archives.
La saga entourant la première bibliothèque de Winnipeg constitue un scandale dont le conseil de ville est entièrement responsable. Depuis 47 ans, il néglige le riche patrimoine dont la ville a hérité. Il laisse aussi un édifice historique vide et sans fonction pour le vouer à disparaître. La proposition de la Winnipeg Foundation rappelle au conseil sa responsabilité de faire vivre la mémoire collective de la ville. Aux conseillers maintenant de relever le défi lancé par la fondation communautaire presque centenaire et d’agir.
(1) Le philanthrope américain, Andrew Carnegie, a financé la construction de trois bibliothèques à Winnipeg dont la première, construite en 1905, est située au 380, avenue William. Elle a servi de succursale principale jusqu’à la construction en 1977 de la bibliothèque centrale située sur la rue Donald.