L’année 2018 a été marquée par plusieurs turbulences qui ont secoué les processus démocratiques au sein du réseau associatif fransaskois. Affaires en justice, votes et motion de censure ont provoqué des tensions au sein de plusieurs organismes.
Frédéric Dupré (L’Eau vive)
Ces turbulences ont été particulièrement ressenties, ici comme ailleurs au pays, par la saga des élections de novembre 2017 à l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) qui s’est conclue à l’été de 2018. Deux autres exemples ont eu lieu, soit la crise de confiance des membres de l’Association canadienne-française de Regina (ACFR) envers son conseil d’administration ou encore de l’expulsion d’élus lors d’une assemblée houleuse de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS). L’Association des parents francophones (APF) a aussi eu son lot de chambardements encore cette année.
Assemblée communautaire fransaskoise : élections
L’histoire a fait la manchette à l’échelle nationale. En novembre 2017, la directrice générale des élections de l’Assemblée communautaire fransaskoise (SCF), Francine Proulx-Kenzle, demande à la Commission indépendante de la communauté fransaskoise d’examiner les irrégularités qu’elle remarque dans les votes par anticipation, reçus une semaine après le vote.
Le résultat du scrutin du 1er novembre accordait la victoire à François Afane et Denis Tassiako aux postes de députés communautaires de Saskatoon et à Denis Simard pour la présidence de l’ACF.
La Commission indépendante dépose finalement son rapport le 3 janvier 2018. Elle y recommande, entre autres, de rejeter les 105 votes par anticipation arrivés en bloc dans une seule enveloppe. On peut lire dans ce rapport : « La Commission indépendante constate que les répondants ont intentionnellement recueilli les bulletins avancés auprès des 105 électeurs et les ont mis à la poste, qui est une contravention à l’article 105 (e). »
Roger Gauthier est alors nommé président et Élyse Proulx-Cullen et Denis Tassiako sont élus députés de Saskatoon.
Denis Simard, candidat à la présidence, n’a pas caché son amertume quant à la décision des commissaires ; il a même remis en cause l’impartialité de la Commission : « Notre Commission indépendante n’est plus indépendante. Elle a largement travaillé avec des gens à l’extérieur pour faire son travail », affirmait M. Simard dans une vidéo publiée sur son compte Facebook.
L’histoire ne se termine évidemment pas là. Dès la première réunion de l’Assemblée, un vote unanime des députés demande la destitution de la députée de North Battleford, Christine Freethy. L’Assemblée lui reproche d’avoir brisé plusieurs clauses du code de déontologie de l’Assemblée. Dans la foulée, le député fraichement élu à Saskatoon, Denis Tassiako, démissionne.
Le mécontentement contre les nouveaux résultats des élections s’intensifie. Patrice Ngouandi, député de l’ACF de 2010 à 2017, dépose en février un recours judiciaire devant la Cour du banc de la Reine de Regina pour invalider les résultats des élections de l’ACF. Quelque cinq mois plus tard, le 3 juillet 2018, le juge G. A. Chicoine de la Cour du Banc de la Reine rend son jugement et rejette les conclusions de la Commission indépendante. Il requiert que Denis Simard, Denis Tassiako et François Afane soient déclarés élus.
Association canadienne-française de Regina : démission et vote de confiance
Après plusieurs années de grogne de la part des membres envers le conseil d’administration de l’Association canadienne-française de Regina (ACFR) relativement à l’état des finances de l’organisme. L’Assemblée générale du 27 janvier est fort attendue. Deux semaines avant la rencontre, le président en poste depuis quatre ans, Siriki Diagabaté, remet sa démission, citant des problèmes de santé.
L’organisme traverse une crise financière importante accumulant des déficits et perd une partie importante de son financement issu de Patrimoine canadien. L’ACFR enregistre un déficit cumulé s’élevant à quelque 132 000 $. Le rapport financier de l’exercice se terminant le 31 mars 2017 démontre une hausse des dépenses supérieure à 100 000 $. Une augmentation attribuée aux secteurs des activités et des mauvaises créances.
Les membres de l’ACFR se présentent en grand nombre à cette assemblée du 27 janvier 2018. Un vote de non-confiance envers l’ensemble du conseil d’administration fait majorité (26 voix en pour, 3 contre et 14 abstentions). Des élections pour l’ensemble des membres du conseil ont eu lieu à la clôture de cette assemblée, qui marque la fin d’une période trouble pour l’organisme. Sylvie Bergeron est alors élue présidente de l’ACFR.
Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan : tentative de censure
Deux semaines avant la tenue de l’Assemblée générale de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS), quatre membres du conseil d’administration (Mamadou Bah, Philolin Ngomo, Denis Tassiako et Micheline Matara) diffusent publiquement une motion de censure à l’égard du président en fonction, Jean Nepo Murwanashaka. Ils reprochent au président un manque de transparence et une éthique douteuse.
Selon Jean Nepo, « au cours des dernières années, des actes pernicieux ont été signalés, par exemple : le piratage du courriel de la présidence, des manipulations financières douteuses ainsi qu’une mauvaise gestion des contrats a mené, à deux reprises, à la fermeture des bureaux de l’organisation. » Ces événements qu’il souhaite mettre en lumière ont eu lieu sous la présidence de Denis Tassiako. « Je présume qu’ils ne veulent pas que ces choses-là sortent officiellement en assemblée générale », conclut Jean Nepo.
L’assemblée générale prévue le 30 juin s’annonce particulièrement houleuse. Deux ordres du jour sont présentés. Un vote unanime (56 votes/0 vote) de l’assemblée rejette l’ordre du jour présenté par Mamadou Bah. L’analyse des articles 11.4 des statuts et 4.3.2. du règlement intérieur permet de rétablir la légitimité de conseil exécutif sortant et des actions menées par ce dernier. Le quorum de sept membres nécessaires aux délibérations du Conseil n’ayant jamais été atteint lors des réunions relatives à la motion de censure et au remplacement du conseil exécutif.
L’assemblée n’en restera pas là. Une proposition est faite pour que les quatre membres derrière la motion de censure soient exclus de toute fonction au sein de la CAFS s’ils ne présentent pas des excuses publiques à la CAFS et à ses membres. La proposition est adoptée (50 pour, 1 contre, 4 abstentions).
L’Assemblée se conclura par l’élection d’un nouveau conseil d’administration sous la présidence de Céline Moukoumi.
Association des parents fransaskois : instabilité récurrente à la direction
L’Association des parents fransaskois (APF) a également eu son lot de vents contraires au cours des deux dernières années avec le départ de deux directions générales, une démission à la présidence et des élections qui soulèvent des questions de plusieurs membres.
Des instruments de gouvernance communautaire renforcés pour 2019?
2018 a certainement eu l’effet d’un coup de tonnerre chez les membres et les employés de plusieurs organismes communautaires concernant la solidité et l’efficacité de leurs instruments de gouvernance.
Une formation professionnelle a été offerte en novembre et en janvier. L’ACF a affirmé s’engager activement à la révision de ses Statuts et de ses règlements électoraux. L’APF et l’ACFR révisent également leurs statuts. Bref, il est envisageable de croire que des leçons seront tirées de ces crises et que seront adoptées de meilleures pratiques pour assurer la vitalité démocratique des organisations fransaskoises.