La saison des fêtes révolue, on dénombre par milliers de tonnes les aliments jetés à la poubelle. En fait, un tiers de la nourriture produite dans le monde connaît ce sort. Pour y remédier, la campagne de sensibilisation J’aime manger, pas gaspiller vise à changer les comportements alimentaires des Canadiens. Le message fait son chemin, lentement mais sûrement.

Lucas Pilleri (Francopresse)

Le temps des fêtes est particulièrement propice au gaspillage. Si Noël et le jour de l’An riment bien souvent avec repas gargantuesques, célébrer sans gaspiller s’avère crucial. Car le Canada figure parmi les mauvais élèves : chaque jour y sont gâchés 2 400 000 pommes de terre, 1 200 000 tomates, 470 000 laitues ou encore 450 000 œufs. Pire : 63 % de la nourriture qui finit dans les poubelles canadiennes est encore consommable.

Un double gâchis environnemental et économique

Selon l’ONU, un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillé. Au Canada, 1100 dollars de provisions sont ainsi jetés par les fenêtres chaque année par ménage, soit 140 kilos de nourriture. À l’échelle nationale, cela représente 2,2 millions de tonnes et une perte de 17 milliards de dollars.

En outre, ces quantités d’ordures ménagères représentent des émissions de 9,8 millions de tonnes de CO2, soit la pollution générée par 2,1 millions de voitures.

Pour lutter contre le gâchis, la campagne pancanadienne J’aime manger, pas gaspiller a été lancée en juillet 2018 afin de sensibiliser la population, responsable pour moitié de ce gaspillage. Au moyen d’un site regroupant diverses ressources, de nombreux conseils pratiques sont prodigués aux consommateurs en matière de conservation des denrées alimentaires, d’utilisation des restes et de planification des repas.

Un intérêt croissant

Les Canadiens sont de plus en plus sensibles à la cause. La campagne s’inspire de l’initiative anglaise Love Food Hate Waste qui, en cinq ans, a réussi à faire chuter de 21 % le gaspillage des ménages au Royaume-Uni, signe que les choses peuvent changer.

La version canadienne vient de l’Ouest, pilotée par le Conseil national zéro déchet basé à Vancouver, et rassemble neuf partenaires à travers le pays : les villes de Toronto, Vancouver et Victoria, le District régional de Metro Vancouver, la province de la Colombie-Britannique, Walmart, Sobeys et Recyc-Québec.

Ce dernier a joué un rôle tout particulier en adaptant le slogan et les outils de promotion en français afin de rendre la campagne bilingue. « C’est important de s’allier pour aller plus loin », évoque Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente des opérations à Recyc-Québec et membre du conseil d’administration du Conseil national zéro déchet.

La société québécoise de recyclage observe un bel engouement sur les réseaux sociaux. « On est très heureux de constater l’intérêt des internautes. Il y a beaucoup de trafic sur le site. C’est vraiment une campagne qui donne le goût aux gens d’échanger et de contribuer. » Cela dit, les retombées ne seront mesurées de façon quantitative que dans trois ans par le Conseil national zéro déchet, dont le but ultime est de réduire de moitié le gaspillage alimentaire au Canada d’ici 2030.

À Toronto, 96 000 tonnes de déchets alimentaires sont produites chaque année. Éveiller les citoyens est donc essentiel pour Charlotte Ueta, responsable de la planification de la gestion des déchets dans la métropole : « Nous utilisons des graphiques, des statistiques, des affiches… La sensibilisation et l’éducation sont au cœur de la campagne. » Et l’approche semble fonctionner : « Nous sommes assez surpris par l’intensité du dialogue qui a lieu dans le monde numérique. Les influenceurs sont actifs, les gens partagent leurs conseils. »

Mieux encore, les efforts des Canadiens sont rejoints par le géant de la distribution Walmart. En 2018, la compagnie a annoncé vouloir supprimer tout déchet alimentaire d’ici 2025 au Canada. L’entreprise s’est notamment engagée à augmenter les dons aux banques alimentaires locales et à reverser un million de dollars pour la campagne Luttez contre la faim, initiez le changement.

Walmart a même promis de baisser les prix des produits dont la date de péremption approche afin d’inciter l’achat et d’éviter les pertes. « En tant que détaillant de notre envergure, nous avons un rôle unique à jouer pour résoudre le problème et pouvons aider à promouvoir un changement positif sur cet enjeu important », confie Steeve Azoulay, directeur principal des affaires publiques. Le responsable assure par ailleurs que Walmart aurait réduit ses déchets alimentaires de 23 % au Canada entre 2015 et 2017.

Si l’objectif zéro gaspillage semble encore loin, le consensus est là : il est temps que les Canadiens changent leurs habitudes alimentaires.