Chaque année, des simulations parlementaires rassemblent des centaines de jeunes francophones partout pays. Désireux de se familiariser avec les rouages du système politique canadien, d’aiguiser leurs compétences oratoires et de rencontrer leurs pairs, ces jeunes font aussi la découverte d’une grande famille.

Lucas Pilleri (Francopresse)

La formule du parlement jeunesse fonctionne si bien qu’elle pourrait bien constituer l’activité favorite des jeunes au pays. Concrètement, il s’agit d’une simulation au sein d’un palais législatif où des jeunes de 14 à 25 ans jouent les rôles de députés, ministres, journalistes, même lobbyistes, en prenant part à des débats sur des projets de loi fictifs.

Rémi Marien revient sur la 21e édition du Parlement jeunesse francophone de la Colombie-Britannique qui s’est déroulée à la mi-janvier : « Cet événement a beaucoup, beaucoup de succès. On a reçu plus de 150 candidatures. Chaque année, on est obligés de refuser de plus en plus de jeunes », rapporte le directeur général du Conseil jeunesse francophone (CJFCB).

Un pied dans le monde des grands

Les places sont chères pour se retrouver au cœur du décorum impressionnant que représente une assemblée. À Victoria, les 115 jeunes ont débattu de sujets variés comme les transports publics, les retraites, l’autosuffisance alimentaire ou encore l’écologie. Des sujets chauds qui amènent à développer la pensée critique et l’aisance oratoire : « Certains se servent du parlement jeunesse comme tremplin pour faire des études en sciences politiques », note Rémi Marien.

« Un événement immanquable » : voilà comment Gabriel Tougas décrit la formule. Avec plus d’une dizaine de participations aux parlements jeunesse du Manitoba français, du Nord et de l’Ouest et du Canada, le jeune homme est devenu un expert. « Le sentiment de se lever et de prononcer quelques mots dans la véritable Assemblée législative est une expérience magique et remarquable, même si nos genoux claquent! ».

Car le parlement jeunesse permet aussi et surtout de braver la peur de parler en public. « Le parlement a bâti ma confiance. C’est avant tout du théâtre et de l’art oratoire avant d’être de la politique », souligne le Manitobain devenu réalisateur.

Par et pour les jeunes

Le Parlement jeunesse franco-manitobain, qui vient tout juste de s’achever ce 10 février, constitue le meilleur exemple du « par et pour les jeunes », un principe au cœur du modèle. Depuis 1984, en effet, les jeunes organisent la rencontre de A à Z, sans aide extérieure. Gabriel Tougas, qui a participé notamment en tant que ministre, premier ministre et président de la chambre, est conquis par la philosophie : « Je trouve ça extrêmement puissant. C’est vraiment une école de vie », estime-t-il.

Même son de cloche pour Sue Duguay, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), qui a pris part à la dernière édition du Parlement jeunesse pancanadien en 2018 : « C’est crucial car ça amplifie le sentiment d’appartenance. Je me rappelle m’être dit “Waouh, c’est pas une organisation de fonctionnaires, ça!” »

L’entrée dans la grande famille

Entouré d’une cinquantaine de participants originaires des provinces de l’Atlantique, Mathieu Manuel a joué le rôle de premier ministre au Parlement jeunesse de l’Acadie en octobre dernier à Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador. Le conseiller de la Société nationale de l’Acadie (SNA) a guidé le cabinet à travers des débats animés sur l’empreinte écologique, la colonisation de l’espace et la conservation du patrimoine, et retient surtout la richesse des échanges. « On regroupe une belle bande d’Acadiens, et des amitiés se créent, des réalités se partagent. On se rend compte des similarités entre régions parfois très distantes. »

Les parlements jeunesse contiendraient « une grande plus-value communautaire » pour Rémi Marien. En l’espace de deux ou trois jours, le sentiment d’appartenance à la francophonie est renforcé et des liens sociaux se tissent. Le Britanno-Colombien tient pour exemple la transmission qui s’opère entre les vétérans et les plus novices. « On apprend avec ses pairs », résume-t-il.

Gabriel Tougas ne peut qu’opiner. La découverte de tout un réseau a changé sa vision des choses : « Depuis ma participation, je me considère beaucoup moins franco-manitobain et plus francophone de l’Ouest parce que j’ai réalisé que ces frontières étaient assez artificielles, que nos expériences, nos accents, nos perspectives sur le monde sont fortement influencés par les mêmes choses. »

Sortir de son isolement, se retrouver au milieu de jeunes partageant la même réalité, voilà sans doute l’atout majeur des parlements jeunesse. « Ça me donne des frissons à chaque fois que j’y pense, confie la Néo-Brunswickoise Sue Duguay. Rencontrer des Franco-Canadiens qui vivent des expériences de minorité linguistique, comprendre un peu mieux ce qu’est la communauté francophone… »

Forts de leur succès, les parlements jeunesse sont devenus au fil des ans une grande tradition dans le mouvement jeunesse francophone. Pour en devenir, peut-être, l’événement le plus populaire.