Élu au conseil municipal à Winnipeg en octobre 2018 et immédiatement promu maire suppléant, Markus Chambers est un homme curieux doté d’un sens aigu du devoir.

Par Mariam BA SOW

Habitant à River Park South depuis 1993, Markus Chambers y a construit sa première maison et fondé sa famille. Winnipeg l’a vu grandir, et devenir le premier homme noir à être élu au conseil de la Ville : « Mes parents sont originaires de la Jamaïque et des Antilles, et se sont rencontrés lorsqu’ils ont quitté l’île pour se rendre en Angleterre, afin de terminer leurs études postsecondaires. Ils ont commencé à sortir ensemble en Angleterre, se sont mariés et ont eu sept enfants, dont je suis un jumeau. Malheureusement, ma soeur jumelle est décédée juste avant notre premier anniversaire. Ma famille a immigré au Canada en 1967 quand j’avais trois ans. Et je vis depuis à Winnipeg. »

Winnipeg ne comptait que relativement peu de personnes de couleur à la fin des années 1960. Malgré cela, la famille Chambers y a fait son nid. « Mes parents étaient très actifs dans leur communauté culturelle et dans les quartiers où nous nous regroupions. Ils ont essayé ainsi que nous, leurs enfants de s’immerger pleinement dans la culture canadienne. Pendant l’hiver, je jouais au hockey avec les autres enfants. Je n’ai jamais remarqué aucune différence entre eux et moi. »

Spécialisé en sciences politiques et sociales, l’homme politique a toujours su qu’il ferait de ce domaine son métier : « Au début des années 1970, j’ai rencontré le Premier ministre Pierre Trudeau à Fort Garry. Je ne savais pas qui il était, mais je me suis souvenu de toute l’agitation autour de lui. Je me suis intéressé à beaucoup de politiciens durant mes années d’école, en particulier les Américains. Je cherchais les noms des présidents dans mon encyclopédie, et mémorisais de petits faits à leur sujet et sur leur mandat. Je pense que me spécialiser en sciences politiques, et finalement devenir un homme politique, est un prolongement de ce que j’ai toujours été. »

Avant de faire le saut en politique, Markus Chambers a passé une dizaine d’années au sein de Travail et Immigration Manitoba en tant que fonctionnaire provincial. Débuter une carrière politique pour représenter Saint-Norbert a été une décision mûrement réfléchie pour l’homme de 55 ans car ceci risquait d’influer sur sa vie de famille : « J’ai pris le temps qu’il fallait avant de me décider à changer de voie. À l’époque, mes fils étaient très jeunes et il m’a semblé important d’investir mon temps dans leur éducation. La politique nous éloigne de notre vie de famille. J’ai beaucoup de respect pour les personnes qui sont parents et qui travaillent dans la sphère politique, car c’est un sacrifice.

J’ai beaucoup aimé partager le quotidien de mes fils, tant sur le plan éducatif que récréatif. Il était important que leur mère et moi fassions partie de chaque aspect de leur vie, pour favoriser une communication plus étroite et établir des valeurs familiales appropriées, qui ne seraient pas compromises par les pressions des pairs ou de la société. Maintenant que mes enfants sont dans leur vingtaine et relativement indépendants, saisir l’opportunité de devenir conseiller pour Saint-Norbert m’a paru plus évident. »

Conscient du rôle de pionnier que lui incombe ce poste, Markus Chambers est heureux : « Je suis humble et très fier en même temps. Atteindre ce niveau, c’est beaucoup de travail. Ça a été une tâche immense durant plusieurs années avant de pouvoir mériter cette reconnaissance. Mais ça me rend très fier, car à chaque fois que je vois mon nom inscrit dans la salle des conseillers, c’est gratifiant. Il y a avec ça toutes les responsabilités qui accompagnent ce poste. » L’élection n’a en effet pas été de tout repos : « Mes craintes étaient liées au fait que ce processus dans son ensemble est intimidant. Je suis assez bien connu à Saint-Norbert, mais je savais que je devais frapper à plus de portes que mes adversaires pour me donner la meilleure chance d’être élu. Même si je n’étais pas aussi préoccupé par le résultat, j’avais peur de décevoir ma famille et mes bénévoles qui ont investi temps et ressources dans ma campagne. J’ai été agréablement surpris par l’accueil des habitants. »

Passionné par le voyage, Markus Chambers est conscient de la chance qu’il a de pouvoir parcourir le monde et de connaitre d’autres cultures grâce à son emploi au service de la Province : « Les expériences que j’ai accumulées m’ont aidé à interagir pleinement avec des personnes d’origines diverses et m’ont permis de comprendre à quel point nous sommes tous semblables. J’ai étudié le français pendant cinq ans à l’Alliance française et je compte en profiter pour en apprendre davantage sur la communauté francophone via la langue, sur la variété des pays francophones et sur la culture de ces pays.

« Les francophones sont importants dans l’histoire de notre ville et dans son avenir. Lorsque des immigrants arrivent au Manitoba en provenance de pays francophones « non traditionnels », nous devons rester inclusifs, en tenant compte non seulement de leurs compétences en français, mais également des considérations culturelles supplémentaires qu’ils apportent. »

L’élu devant sa responsabilité de février

Février, le mois de l’histoire des Noirs, a été l’occasion de célébrer les réussites et encourager la population Noire à se dépasser : « J’ai été invité à de nombreux évènements durant le Black History Month, ainsi que d’autres représentants élus. En tant que premier Canadien d’origine afro-antillaise élu au conseil de notre ville, je tiens à donner le meilleur exemple à toute personne de couleur qui serait intéressée par une candidature à une fonction publique à tout niveau de gouvernement. ».

L’élu de Saint-Norbert rappelle le travail des personnes oubliées, qui ont contribué à faire du pays ce qu’il est : « Ce mois est une opportunité de partager notre histoire. Il y a eu tellement de personnes qui ont créé ce qu’on connaît aujourd’hui. Certes, nous connaissons bien les athlètes, acteurs et chanteurs noirs… Mais qu’en est-il des chercheurs, scientifiques, médecins et politiciens dont nous sommes la descendance? Leur contribution est gigantesque, et leurs sacrifices tout autant. C’est encore malheureusement méconnu. Leurs noms devraient figurer dans les livres d’histoire, et célébrés au même titre que les autres.

J’admire nos éducateurs noirs qui ont consacré leurs études supérieures à l’enseignement de nos jeunes étudiants. J’admire également ces pionniers noirs de notre histoire qui ont été les premiers dans leur domaine à réaliser des choses qui ont permis de franchir les frontières de nos cultures. »