Par Michel LAGACÉ

Lorsqu’un gouvernement doit faire des choix, quatre possibilités lui sont offertes :

  1. Ne rien faire;
  2. Ne rien faire mais donner l’impression de faire quelque chose;
  3. Faire quelque chose mais donner l’impression de ne rien faire;
  4. Faire quelque chose et donner l’impression de faire quelque chose.

Dans le cas de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral privilégie l’option 2 depuis son élection en 2015. En août 2018, le premier ministre, Justin Trudeau, a finalement demandé à Mélanie Joly de « commencer un examen dans le but de moderniser la Loi… ». La semaine dernière, la ministre a annoncé qu’elle allait parcourir le pays « pour donner la parole aux Canadiens. » D’autres consultations sur « les moyens d’assurer la pérennité des communautés » sont donc envisagées et ces déplacements par monts et par vaux se termineront en juin, juste à temps pour entreprendre la prochaine campagne électorale.

Pour comprendre que rien ne presse, rappelons le contexte dans lequel la Loi originale fut adoptée en 1969. René Lévesque avait réussi à former le Parti québécois en octobre, 1968. Pour contrecarrer le séparatisme québécois, le gouvernement fédéral avait commencé à financer les organismes francophones à l’extérieur du Québec dans le but de démontrer que le français existait partout au pays. Les francophones devenaient ainsi un rempart contre le séparatisme et, en quelque sorte, une police d’assurance de l’unité nationale. Privés de ressources depuis toujours, les convaincus de la cause tout comme les profiteurs ont accueilli l’appui fédéral avec enthousiasme.

Après deux référendums québécois, un référendum national et de longs débats constitutionnels, la menace du séparatisme s’est estompée, tout comme s’est évanouie la volonté politique du gouvernement fédéral. La ministre Joly peut donc se permettre de multiplier les excuses pour justifier sa lenteur à moderniser la Loi. Elle va même jusqu’à prétendre qu’il fallait « réparer la maison qui avait été particulièrement brisée » et « réparer les pots cassés » laissés par le gouvernement Harper (1).

Or les programmes de langues officielles et l’appareil administratif qui les gère existaient toujours même après 10 ans des gouvernements Harper. Pis encore, la ministre affirme qu’il aura fallu attendre le retour des Libéraux pour redonner du « leadership à nos organisations en leur donnant plus de budget. » Faut-il comprendre que les organisations que les francophones croyaient être au service de leurs communautés seraient maintenant au service du gouvernement libéral? Et que la francophonie canadienne passe par les organisations à qui le gouvernement donne du leadership, supposément parce qu’elle n’en aurait pas autrement? Puis on en arrive au comble : leadership n’est que synonyme d’argent.

Voilà où en est rendu le clientélisme pratiqué par ce gouvernement qui confond allègrement organismes et francophonie. Dans une relation symbiotique bien comprise entre le gouvernement et les organismes, chacun répond aux besoins de l’autre. En l’absence d’une menace de séparatisme au Québec, le gouvernement fédéral choisit résolument l’option 2, laissant aux calendes grecques la réaffirmation, dans les actes plutôt que dans les paroles, de l’importance de la dualité linguistique comme valeur fondamentale du pays.

(1) Voir La Liberté, vol. 115, no. 6, du 13 au 17 mars, 2019, page 7.