Dans une ère de surconsommation sans précédent, les consciences s’éveillent petit à petit sur le sort de notre environnement. Une question s’impose : faut-il repenser notre idée de la mode?

Par Morgane LEMÉE

Myriam Laroche travaille depuis plus de 25 ans dans l’industrie de la mode. Depuis onze ans, elle se consacre entièrement à la mode écologique. Lorsqu’elle a créé l’Eco Fashion Week de Vancouver en 2009, un évènement international, un chiffre l’avait marquée : 68.

« C’est le nombre de livres de textiles et de vêtements qu’un Nord-Américain moyen jette à la poubelle par année. En 2015, ce chiffre était passé à 81 livres. Pourtant, on estime que 80 % reste encore portable. On fabrique des vêtements et c’est porté, jeté, porté, jeté. Ça n’a aucun sens. »

Pour appuyer sa consternation, Myriam Laroche souligne les lourdes conséquences environnementales. « Quand on dit que l’industrie vestimentaire est la deuxième industrie la plus polluante au monde, on prend en compte tout le processus de fabrication d’un vêtement. Certaines firmes de coton se servent encore d’une quantité astronomique de produits chimiques. Il y a dix ans, la pousse de coton nécessitait 25 % de tous les pesticides du monde. Même si ces chiffres ont diminué, la transformation de coton continue de consommer énormément d’eau.

« Pour créer des couleurs ou différentes finitions de vêtements, certaines usines vont utiliser des produits chimiques qui finissent dans la nature. Au Bangladesh, des rivières entières sont colorées et complètement polluées par ces produits. Sans parler des énergies et de l’impact des transports. On envoie par avion des vêtements, et si ça ne fit pas on les renvoie encore, et encore. Des tonnes de vêtements voyagent à travers le monde par bateau ou en avion. Quand on fait du magasinage, on voit uniquement le produit fini. Et on ne se rend pas compte de tout ce qui se passe dans les coulisses du système de la mode. »

Natasha Rey lutte elle aussi contre la fast fashion, ce renouvellement constant et très rapide des collections vestimentaires. Passionnée de mode et de friperies, elle a lancé en février dernier Nuage Vintage, une collection en ligne de vêtements vintage et d’occasion. (1) Son but : sensibiliser et encourager l’achat de vêtements utilisés.

« Il y a beaucoup d’a priori sur l’achat de seconde main. Beaucoup pensent que c’est moche, sale ou dépassé. Ça ne correspond pas du tout à la réalité. Certaines pièces vintage sont magnifiques. On peut trouver des vêtements uniques datant des années 1960 ou 1970 et toujours de bonne qualité.

« D’ailleurs, les vêtements de friperies sont souvent de bonne qualité. Mais des études montrent que seulement un petit pourcentage de ces vêtements est acheté. Ces articles finissent alors par être jetés aussi.

À l’échelle individuelle, que faire? Myriam Laroche propose ses solutions. « Les ressources matérielles et humaines de chacun sont différentes. C’est important que chaque individu trouve sa propre recette éco. On peut acheter usagé, pour éviter le gaspillage. On peut encourager l’économie locale, ça réduit notre empreinte écologique. On peut acheter recyclé.

« On peut continuer d’acheter des produits qui viennent d’Asie, mais qui sont éthiques et qui traitent bien leurs employés. Car arrêter complètement la production en Asie n’est pas la solution. On ferait tomber une grosse économie et des gens en souffriraient. C’est très complexe, mais il y a plein de petites façons d’agir. Trouvons chacune notre propre recette éco, en faisant ce que nous pouvons au quotidien, sans se juger les uns les autres. »

(1) : https://nuagevintage.com