SASKATCHEWAN – L’inquiétude du public face à l’utilisation des pesticides est croissante depuis plusieurs années. De plus en plus d’évidences pointent vers le fait que les pesticides néonicotinoïdes sont très dommageables pour les écosystèmes, notamment envers les populations d’abeilles et autres pollinisateurs. De plus en plus de rapports critiques, en provenance de gouvernements et de l’Organisation des Nations unies, suggèrent que l’utilisation des pesticides pourrait être réduite sans pertes nettes pour les agriculteurs. Les scientifiques doivent donc élaborer de nouvelles méthodes pour aider les agriculteurs à protéger leurs récoltes, tout en limitant leur empreinte écologique.

Par Mélanie JEAN – Université de la Saskatchewan (L’Eau vive)

Le génie écologique et la lutte biologique contre les insectes ravageurs représentent une des pistes potentielles. Par cette approche, des habitats sont construits afin de favoriser l’abondance d’insectes bénéfiques. Ces insectes sont souvent des ennemis naturels des insectes nuisibles, mais peuvent également fournir d’autres services écologiques, tels que la pollinisation. D’autres espèces peuvent également profiter de ces habitats, par exemple des oiseaux.

 

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Dans cette optique, une solution pour limiter l’utilisation de pesticides commence à être utilisée depuis plusieurs années en Europe, entre autres en Autriche, en Allemagne, en Finlande, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse. Il s’agit de planter des bandes de plantes à fleurs autour ou à intervalles réguliers dans les champs. La présence des bandes florales vise à stimuler la présence de prédateurs naturels des insectes considérés comme des pestes agricoles, limitant ainsi le besoin de recourir à des pesticides tout en ajoutant une valeur esthétique au paysage.

 

D’autres retombées

Dans leurs résultats publiés dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society, des chercheurs suisses ont démontré que l’utilisation de bandes de fleurs sauvages a permis d’augmenter les rendements agricoles, de réduire l’abondance des insectes nuisibles et d’augmenter la présence d’insectes prédateurs, par exemple des guêpes parasitoïdes et des scarabées. Les fleurs utilisées incluent entre autres le trèfle, la coriandre, la carotte sauvage, la centaurée, la marguerite, le bleuet ou l’aneth. Des bandes de fleurs placées à intervalle de 100 m dans les champs pourraient aussi rendre le système encore plus efficace en rapprochant les insectes prédateurs de leurs proies indésirables, tout en occupant seulement 2 % de la superficie d’un champ. En Autriche, par exemple, les agriculteurs doivent planter des fleurs sauvages sur au moins 2 % de leurs terres arables.

Les chercheurs qui travaillent sur ces projets espèrent que l’implantation de ce type de défense naturelle puisse réduire l’abondance des pestes à un niveau qui ne nécessite plus l’application de pesticides la majeure partie du temps.

Des études sont aussi faites afin de s’assurer que les bandes florales ne mènent pas à une augmentation de la présence de pestes attirées par les fleurs en bordure des champs. Les pesticides pourraient alors être réservés à gérer des années où se produit une épidémie majeure d’une maladie ou un parasite en particulier qui risque de causer des dommages importants.

L’utilisation de bandes florales pour promouvoir la biodiversité et la conservation des écosystèmes est également envisagée dans les productions de riz de l’Asie du Sud-Est.

De telles mesures ne sont pas, à ma connaissance, utilisées à grande échelle en Amérique du Nord, où le paysage agricole est différent de celui de l’Europe. Dans le contexte actuel, où scientifiques et agriculteurs se doivent de travailler ensemble afin de développer des techniques agricoles qui seront durables, autant pour l’environnement que pour la santé humaine, l’utilisation de bandes de fleurs dans les champs est une piste qui mérite qu’on s’y intéresse.