Bac bleu, bac vert, bac brun… Il ne faut vraiment pas être daltonien pour recycler correctement ! Malgré la multitude des couleurs de nos bacs, tout n’est pas rose dans l’arc-en-ciel du recyclage.

Par André MAGNY (Francopresse)

En premier lieu, petite leçon de sémantique. À ceux et celles qui seraient tentés de voir les verbes récupérer et recycler comme des synonymes, ce serait là une grossière erreur ! Récupérer n’est pas nécessairement recycler. Votre papier ou votre plastique que vous mettez dans votre bac, peu importe sa couleur, va se retrouver dans un centre de triage. De là, ils seront achetés par des courtiers ou des vendeurs de matières en vue d’être acheminés à l’étranger. Qui vous dit alors qu’ils auront une seconde vie ?

Karel Ménard, directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), est catégorique : « Au Canada, il n’y a aucune traçabilité » des matières récupérées une fois sorties des centres de tri. Ceux-ci « n’ont pas l’obligation de faire un rapport » sur le nom des acquéreurs des matières récupérées.

En raison de l’absence de traçabilité, il est difficile d’avancer un chiffre certain en matière de recyclage. Selon certains organismes comme RECY-QUÉBEC, seulement 15 % environ du plastique et du papier seraient recyclés. Statistique Canada ne s’avance pas sur ce terrain. Cependant, l’organisme gouvernemental est très clair : « La majorité des déchets collectés aboutissent dans des sites d’enfouissement et une petite quantité est incinérée. Cela peut causer des émissions atmosphériques, la perturbation des sols et la pollution de l’eau. »

La situation risque même de s’empirer alors que la Chine a décidé, il y a un peu plus d’un an, de ne plus acheter nos déchets récupérés, les considérants trop contaminés. Force est d’admettre que dans ce domaine, en matière d’éthique, les pays riches n’ont pas de leçon à donner… Des marchés comme le Vietnam, l’Inde et le Pakistan se montrent intéressés par ce que nous sommes incapables de gérer nous-mêmes. Si jamais ces pays imitaient la Chine, qu’adviendrait-il de ce que nous consommons ?

Je récupère, donc, je consomme

« Au cours des cinq prochaines années, le défi le plus important dans le monde du recyclage sera de produire moins de matières qu’on sera obligé de recycler ». C’est ce qu’affirme John Hogg, responsable des normes en matière d’environnement dans une société de produits interactifs et surtout ancien candidat du Parti vert à Ottawa lors des dernières élections canadiennes. « L’élimination des sacs de plastique est un bon début », selon lui. Tout comme l’était, il y a un peu plus d’un an, l’ouverture à Amsterdam d’une épicerie, Ekoplaza, dont les emballages de plusieurs centaines de produits sont naturels et biodégradables. John Hogg aimerait justement en trouver une semblable au Canada.

L’entreprise privée finance la récupération selon Karel Ménard. En faisant du recyclage, certaines industries se donnent ainsi bonne conscience. « C’est devenu une grosse industrie, le recyclage. Puisqu’on recycle, on peut consommer davantage. Mais c’est faux. »

Plastique, verre ou cannette ?

Si le recyclage de matières organiques pour en faire du compost est sur une voie ascendante selon les chiffres de Statistique Canada – entre 2002 et 2016, la part des déchets de sources résidentielles réacheminées (cela comprend les matières organiques et recyclables) est passée de 25 % à 32 %, il reste que le verre et le plastique posent encore des questions aux amis de la Terre.

Même si son enfouissement est peut-être moins nocif pour l’environnement que le plastique, il n’en reste pas moins que le verre demeure un problème sur le plan du recyclage. Consigné dans l’ensemble des provinces canadiennes à l’exception du Manitoba et du Québec, le verre est facilement contaminé par d’autres produits, et devient donc non réutilisable. De nature abrasive, il use également les machines qui font le tri des déchets. Et son transport coûte aussi cher en raison de son poids. Joy Snyder, directrice de Raven Recycling Society au Yukon, le confirme et regrette que des régions comme le Yukon, le nord de la Colombie-Britannique et de l’Alberta « ne soient pas situées près de centres de recyclage ».

Quant au plastique, John Hogg se désole que les normes soient si variées au Canada. Il prend l’exemple de l’Ontario : « Ottawa devrait être meilleure que bien d’autres villes canadiennes, mais elle est loin d’être une leader. Le taux de recyclage n’est pas impressionnant. Par exemple, la ville n’accepte que certains plastiques, et elle ne s’occupe pas des sacs en plastique. » Pourtant, Huntsville, ville ontarienne de 18 000 habitants près du lac Huron, accepte, elle, toutes les sortes de plastique. « Sa politique est de s’occuper de tous les emballages provenant d’une épicerie. »

Le dilemme semble être total pour le consommateur. Plastique, verre ou cannette ? Joy Snyder suggère de se faire une idée en jetant un coup d’œil au site earth911.com qui compare les trois contenants en matière d’énergie de production, de transport et de recyclage. La cannette semble être la grande gagnante bien que l’extraction de la bauxite pour faire de l’aluminium ne soit pas vraiment ce qu’on appelle « eco-friendly ». La grande quantité d’énergie électrique pour le fabriquer et les risques de déforestation lorsqu’une mine de bauxite s’installe font de l’ombre à son tableau.

Une solution ?             

John Hogg et Karel Ménard se rejoignent sur un point : la surconsommation. Ce qui amène un surplus de matière. Il faut, selon eux, travailler en amont au moment où le produit doit être créé et il faut, évidemment, travailler sur la traçabilité. « En Colombie-Britannique, constate M. Ménard, les producteurs sont responsables du recyclage. » Ça change la donne. Et quand on saura vraiment « ce qui arrive à la matière recyclée », ce sera là un vrai début de solution et la fin de l’expression « tant que c’est pas dans ma cour… »