Émilie Fowler s’apprête à entreprendre sa résidence en médecine de famille en français, au Manitoba rural. Envers ses grandes deux passions, la musique et la médecine, l’inspiration de sa famille a joué un grand rôle.

Par Marie BERCKVENS

«Les études de médecine, ça a l’air comme le mont Everest. Je pensais : Je vais jamais être capable de faire cette ascension jusqu’au sommet. Et puis, on s’aperçoit que dans le fond, le parcours en médecine, c’est plutôt comme une série de collines. Il y en a qui sont hautes. Avec le soutien que j’ai eu de ma famille et de mes collègues, j’ai réussi. »

Émilie Fowler a 24 ans et on ne peut être que frappé par son sens du parler franc, de l’écoute et de l’empathie. Chez elle, c’est naturel. Elle commente : « L’empathie, je tiens ça de ma mère, Monique Chartier. Maman a beaucoup de patience et beaucoup d’ouverture aux autres. Elle écoute tout le temps. C’est d’elle que j’essaye de m’inspirer quand j’ai des patients qui traversent quelque chose de difficile. De mon père André, ancien gendarme, je tiens l’autodiscipline. C’est son éthique de travail qui m’a beaucoup poussée et qui m’a permis de réussir en musique et en médecine. »

Émilie Fowler est l’une des 109 finissants du programme de médecine de l’Université du Manitoba 2019 et l’une des six à avoir choisi le volet bilingue de la formation. « Au début, quand je faisais les entrevues initiales pour entrer en médecine, j’avais été acceptée à Ottawa. Je ne savais pas quel programme existait à Winnipeg. En ce temps là, Benjamin, qui est depuis devenu mon mari, était ici. Alors j’ai choisi de dire non à Ottawa, tout en ne sachant même pas si j’étais acceptée à l’Université du Manitoba. Ce qui était quand même extrêmement risqué. Finalement, j’ai été acceptée. J’ai été extrêmement chanceuse. »

Durant ses premières années de médecine, le volet bilingue de la formation consistait en des mises en situation en français, avec ses autres collègues francophones. Mais Émilie Fowler ne s’est pas arrêtée là. Durant toutes ses études, elle a mis un point d’honneur à promouvoir sa langue auprès de ses pairs : « Durant les temps de midi, j’enseignais quelques mots de français à mes collègues anglophones, pour qu’ils puissent avoir un début d’interaction avec leurs patients.

« Par exemple : Comment ça va? Où avez-vous mal? Qu’est-ce qui vous dérange? Avez-vous besoin de quelqu’un qui parle français ou êtes-vous capable de parler en anglais? Même si les gens parlent en anglais, ils aiment que quelqu’un leur dise : Bonjour ou Comment ça va? dans leur langue. Et puis le médecin qui ne parle pas vraiment français dit : Ce sont les seuls mots que je connais.

« Tu peux tellement créer une bonne relation avec ton patient. C’est si important. Là, les patients ont plus confiance en toi. Ils te disent les choses plus clairement et sont moins stressés. Ça fait en sorte de pouvoir donner de meilleurs soins. »

En 2014, déjà bénévole à l’Hôpital Saint-Boniface, juste avant le début de ses études, Émilie Fowler gérait les patients dès leur entrée aux urgences. Elle se souvient d’un patient qui ne pouvait s’exprimer qu’en français : « Cette personne est entrée avec des palpitations. On soupçonnait une attaque cardiaque. Il fallait qu’on fasse les choses rapidement. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Il n’y avait personne qui parlait français. Je traduisais pour ce patient. Ça le rassurait de pouvoir s’exprimer dans sa langue. »

La passion d’enfance d’Émilie Fowler, c’était le violon qu’elle pratique depuis ses trois ans. De 2006 à 2015, elle est partie en tournée avec l’Ensemble folklorique de la Rivière-Rouge, notamment à la rencontre de publics français, mexicains, américains.

Entre 2009 et 2012, Émilie Fowler se rendait souvent, avec son violon, au Foyer Valade (aujourd’hui Actionmarguerite Saint-Vital), dans l’unité des démences sévères, avec l’envie de remonter le moral des patients. Et puis, un jour, un déclic s’est produit : « Je faisais de la musique pour des gens que la progression de leur maladie avait rendu muets. Je me suis mise à jouer une chanson qu’ils connaissaient, Tennessee Waltz, et ils ont commencé à chanter. Ça faisait des mois qu’ils n’avaient pas parlé. Ce moment là m’a vraiment marquée. Je me suis dit : Comme médecin, je pourrais faire encore beaucoup plus qu’avec la musique. »

Le violon et la médecine ont quelque chose en commun, d’après la jeune finissante : « Il y a cette adrénaline liée à la performance, qu’on ressent en spectacle, mais qu’on va aussi ressentir aux urgences. »

En juillet prochain, après un petit temps d’arrêt, Émilie Fowler, qui a été acceptée au programme bilingue en médecine de famille, débutera sa résidence à Sainte- Anne, Notre-Dame-de-Lourdes et au Centre de santé Saint- Boniface. Elle passera aussi par les hôpitaux majeurs de Winnipeg.

« En médecine de famille surtout, si je travaille au rural comme à Sainte-Anne, Notre- Dame ou Saint-Pierre, je peux faire de l’urgence, je peux aussi pratiquer de la médecine interne, de l’obstétrique. Je peux assister aux interventions chirurgicales. Je peux m’initier aux soins palliatifs.

«Alors, la médecine familiale au rural, c’est vraiment une carrière que je pourrai modeler comme je le voudrai. Je me suis mariée l’an passé. Cette carrière me donnera aussi la flexibilité de fonder une famille.»