Par Michel LAGACÉ

En marge de la campagne électorale fédérale se profile un enjeu délicat qui risque d’alimenter les tensions inter provinciales : le programme de péréquation du gouvernement fédéral. Consacré dans la Loi constitutionnelle de 1982, ce programme remet aux provinces moins nanties des fonds qui leur permettent d’offrir des services à un niveau comparable à la moyenne canadienne sans qu’elles aient à prélever des impôts supérieurs à ceux de leurs voisins.

Pas plus tard qu’au mois de janvier, le Premier ministre du Québec François Legault déplorait le fait que le Québec recevait cette année 13,1 milliards $ en péréquation, soit 66 % des19,8 milliards $ consacrés à ce seul programme : « Ça nous met dans une position de vulnérabilité », avait-il déclaré. Cependant,lorsque les membres de l’aile jeunesse de son parti, la Coalition avenir Québec, réunis en congrès à la mi-août, ont rejeté la proposition de réduire la dépendance du Québec, M. Legault a tout bonnement inventé un conte de fées : « Quand le Québec a choisi en 1867… ou en tout cas, quand il est embarqué dans le Canada, il était prévu qu’il y aurait de la péréquation. Ça fait partie du deal original ». Traduction : pas question pour le Québec d’avoir choisi de faire partie du Canada en 1867. Et pas question non plus de refuser l’argent du fédéral en 2019!

Mais M. Legault se trompe, puisque le « deal original » ne prévoyait pas un programme de péréquation. Tout simplement parce qu’il date de 1957. Si bien que le Premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, n’a pas tardé de reprocher à son homologue québécois sa falsification de l’histoire. Irrité par l’opposition du Québec au projet Énergie est, il a rétorqué via Facebook que, si Ottawa et les autres provinces veulent bénéficier des ressources de l’Alberta, ils ne doivent surtout pas s’opposer au transport et à la vente de ces ressources. De plus, il a menacé de déclencher un référendum sur la péréquation lors des prochaines élections municipales en octobre 2021 si la construction d’oléoducs n’avance pas à sa satisfaction.

Évidemment, en voulant faire pression sur ses homologues,M. Kenney prend des raccourcis. Il sait que la péréquation est un programme fédéral financé par tous les contribuables canadiens et que les gouvernements provinciaux n’y contribuent pas. Il ne devrait pas non plus avoir oublié qu’il était ministre du gouvernement Harper quand la formule actuelle de péréquation a été mise en place et que le gouvernement actuel a reconduit cette formule jusqu’en 2024.

M. Kenney a fallacieusement lié la péréquation à la construction d’oléoducs. Et son référendum ne changerait rien à la Loi constitutionnelle. Comme un Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent, il brandit une menace qui tomberait à plat.M. Kenney se drape dans le rôle d’un grand redresseur de torts de l’époque médiévale. M. Legault peut continuer à se bercer tranquillement dans ses contes de fées.