À la veille des élections provinciales, la communauté LGBTQ semble avoir été oubliée des discours politiques. Pourtant, cette communauté active et engagée est bel et bien présente sur toutes les strates de la société. Entre sa représentation en nombre et ses alliés, elle représente aussi une part de vote non négligeable? La Liberté fait le point avec Stephan Hardy, membre du Collectif LGBTQ* du Manitoba.

 

Propos recueillis par Morgane LEMÉE

 

En tant que membre de la communauté LGBTQ, sentez-vous que l’on s’est adressé à vos besoins durant cette campagne électorale?

Je n’ai pas vraiment entendu parler de notre communauté de la part de quelconque candidat. Ça ne veut pas dire que ça n’est pas arrivé, peut-être que je suis passé à côté.En général, tous les partis politiques disent avoir à cœur la diversité et l’inclusion. Alors on peut espérer que la question LGBTQ fasse partie de leur mandat. Peut-être que ça va tellement de soi qu’ils ne le mentionnent pas. En tout cas, je n’ai pas entendu parler de promesses électorales qui nous visent spécifiquement.

Pourtant, vous êtes bien là…

Bien sûr. Ça m’a marqué, les affiches un peu partout qui disent : Disability matters vote. C’est un peu pareil. Le vote des francophones, ça compte. Les LGBTQ votent aussi. On représente entre 5 et 10 % de la population. Sans compter nos alliés qui nous défendent farouchement, nos familles, nos proches. Ça représente quand même un pourcentage important. Tenir compte de nos besoins, c’est aussi s’occuper d’un électorat d’une certaine taille.

Qu’est-ce qui existe au Manitoba pour répondre aux besoins de la communauté LGBTQ?

On a le Rainbow Resource Center (RRC). Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est un centre LGBTQ avec une vingtaine d’employés à temps plein qui s’occupent des différents besoins de la communauté, comme l’aide à l’emploi ou l’accueil de réfugiés, par exemple. Il y a beaucoup de ressources sur la sexualité et la question de genre, des conseillers, des activités sociales et éducatives.
C’est un des rares centres comme tel au Canada, alors on a beaucoup de chance. Mais tout ça n’est offert qu’en anglais.

Que pensez-vous?

Le RRC est principalement financé par des sources publiques. Alors je me pose la question : Pourquoi on ne tient pas compte des besoins des francophones de cette même communauté? À mon avis, c’est une lacune.

De quels besoins parlez-vous?

Je pense surtout aux immigrants et aux réfugiés francophones, qui sont parfois isolés, parfois rejetés par leur pays natal, puis qui arrivent au Canada et qui ne parlent pas ou peu l’anglais.
On leur dit : Venez vivre au Manitoba, vous aurez des services en français, etc.Mais si vous êtes LGBTQ, non. Vous n’y avez pas droit. Je trouve que c’est un peu discriminatoire.
Mais cela reste mon opinion personnelle. Il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec moi…

Certains pensent que les services offerts par le RRC sont suffisants, que l’on n’a qu’à parler anglais pour obtenir ces services. Si c’est le cas, on pourrait dire la même chose pour tous les services offerts par le gouvernement : On n’a qu’à parler l’anglais et voilà.
À quoi bon les services en français alors? Pour moi, c’est un peu contradictoire d’offrir des services en français et puis de dire : Mais pour certains groupes, non, ce n’est pas grave.

Quels sont les besoins de la communauté LGBTQ exactement?

J’ai mis les pieds au RRC pour la première fois il y a six mois. Je me suis demandé ce qu’ils faisaient, de quoi ils s’occupaient. En fait, j’ai réalisé une chose. Il y a des privilégiés : ceux qui ont eu la chance de naître dans des familles aisées ou ouvertes d’esprit, qui appuient leurs enfants, peu importe leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Et il y a les autres.
Je me suis rendu compte que j’étais un privilégié. Et que tout le monde n’avait pas cette chance. Ceux-là ont besoin de cet appui, de ressources. Sinon… Inutile de rappeler que le taux de suicide chez les LGBTQ est beaucoup plus élevé que dans le reste de la population.
Alors, c’est pour ça que je m’engage personnellement. Je veux mettre à profit le privilège que j’ai pour aider d’autres personnes.

Est-ce pour ça que vous avez contribué à créer le Collectif LGBTQ* du Manitoba?

On voulait créer une association provinciale LGBTQ et francophone, car il en n’existait aucune. Aucun organisme ne s’occupait de nos besoins spécifiques, d’activités sociales et culturelles, encore moins pour proposer des services adaptés à nos besoins. Il y a les 5 à 7 franco homo, bien sûr, mais rien de plus formel.
On a besoin d’espace sécuritaire sur le plan de notre orientation sexuelle et de notre identité de genre, et aussi sur le plan culturel et linguistique. C’est ça qui motive notre mission. Mais pour l’instant, nous en sommes qu’à l’analyse des besoins.

C’est-à-dire…

Nous voulons voir, justement, quels sont les besoins exacts de la communauté et si les structures déjà existantes y répondent. Sinon, il faudrait songer à les mettre en place.
Pour moi, personnellement, les réponses sont claires. On a de la chance d’avoir le RRC au Manitoba, on n’est loin d’être le parent pauvre en matière de services LGBTQ. Le Manitoba a simplement beaucoup de retard et de lacunes à combler au niveau des services en français. Et pour moi, ça comprend aussi les services pour la communauté LGBTQ.