Les Canadiens se rendront aux urnes dans moins d’une semaine. L’ensemble des principaux partis politiques, à l’exception du Parti populaire, s’engagent à moderniser la Loi sur les langues officielles. Une comparaison des plateformes électorales permet de distinguer leur vision de ce processus de même que leurs autres engagements pour les communautés francophones.

 

Par Guillaume DESCHÊNES-THÉRIAULT (Francopresse)

 

Pour le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, obtenir ces engagements pour la modernisation de la Loi est le fruit d’un travail de sensibilisation de longue haleine. « Le travail que l’on a fait avant les élections, c’est un travail de deux ans, c’est un travail que l’on a fait auprès des partis politiques, auprès des comités responsables des plateformes électorales et avec les chefs. On est allé chercher un engagement de leur part que [la modernisation] aurait lieu. »

 

Le Parti libéral

La plateforme libérale reprend des éléments prévus dans le Plan d’action pour les langues officielles de 2018, notamment en ce qui concerne le recrutement d’enseignants d’immersion et de français langue seconde, les initiatives d’échanges linguistiques et le financement des programmes en langue seconde. Les libéraux réitèrent aussi leur engagement pris quelques jours avant le déclenchement de la campagne de collaborer avec l’Ontario pour mettre sur pied l’Université de l’Ontario français, mais cette promesse n’apparait pas dans leur cadre financier. De plus, les libéraux prévoient 60 M$ pour appuyer les infrastructures des communautés linguistiques minoritaires, dont des écoles et des centres culturels. Il s’agit d’un montant annoncé au début septembre par la ministre Mélanie Joly dans le cadre du Protocole d’entente entre Ottawa et les provinces et territoires pour soutenir l’enseignement en milieu minoritaire.

En ce qui concerne les nouveaux engagements, les libéraux ont l’intention d’intégrer à la Loi sur les langues officielles le mandat de Radio-Canada pour les nouvelles régionales, s’assurer qu’Air Canada respecte les exigences en matière de services bilingues et renforcer le rôle du commissaire aux langues officielles.

Ils prévoient aussi d’entreprendre le dénombrement des ayants droit et de mener une enquête approfondie issue des données du recensement sur les communautés linguistiques minoritaires.

Les libéraux s’engagent à ne nommer que des juges bilingues à la Cour suprême, même si les troupes de Justin Trudeau n’appuient pas d’obligations légales à cet effet, comme en témoigne leur opposition au projet privé du néodémocrate François Choquette présenté en 2017.

 

Le Parti conservateur

La plateforme conservatrice reprend plusieurs des propositions de la FCFA pour la modernisation de la Loi, dont la désignation d’une agence centrale pour son application, l’obligation pour tous les ministères fédéraux de se doter de plans et d’objectifs pour améliorer leurs services dans les deux langues officielles, ainsi que l’inclusion à la Loi de l’exigence d’avoir un plan d’action continu de cinq ans pour les langues officielles et la nécessité de consulter les communautés dans son élaboration. Les conservateurs s’engagent aussi à veiller à ce que les fonds fédéraux alloués aux provinces pour les communautés francophones soient dépensés comme prévu.

Dans son cadre financier, le Parti prévoit 25 M$ sur cinq ans pour la création d’un tribunal des langues officielles. De plus, les conservateurs s’engagent à honorer le protocole d’entente pour la création de l’Université de l’Ontario français et prévoient 48 M$ durant les trois premières années de leur mandat pour ce faire.

 

Le Nouveau Parti démocratique

Les néodémocrates s’engagent à bonifier le Plan d’action pour les langues officielles de 200 M$ sur quatre ans. Ces nouveaux investissements sont notamment destinés à l’enseignement dans la langue de la minorité, le recrutement d’immigrants francophones et l’accès aux services dans la langue de son choix.

Le plan des néodémocrates pour la modernisation de la Loi inclut de renforcer la surveillance et la reddition de comptes, d’élargir la portée des droits linguistiques et de consulter les communautés sur les décisions qui les touchent. Dans la continuité des projets de loi d’Yvon Godin et de François Choquette sur le sujet, le NPD entend aussi rendre obligatoire le bilinguisme à la Cour suprême.

 

Le Parti vert

Alors qu’en 2015, le programme vert ne prévoyait rien par rapport aux langues officielles, le parti prend cette année l’engagement de moderniser la Loi sur les langues officielles dès la première année de la prochaine législature, sans offrir plus de détails.

Les verts comptent aussi renforcer le rôle de plusieurs agents du Parlement, dont celui du commissaire aux langues officielles. De plus, ils s’engagent à mieux financer la formation dans les langues officielles pour les immigrants, sans spécifier si ce financement tiendra compte des communautés linguistiques minoritaires.

La section sur les langues officielles de la plateforme verte comporte plusieurs incohérences. Elle mentionne que «nous célébrons cette année le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Les principes énoncés dans cette loi historique ont été le fondement de l’article 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui reconnait que la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise ont un statut, des droits et des privilèges égaux.» En fait, l’article 16.1 ne s’applique qu’au Nouveau-Brunswick et il découle de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick et non de la Loi fédérale sur les langues officielles.

 

Le Bloc Québécois

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a effectué une visite inédite à Casselman en Ontario à la veille de la journée des Franco-Ontariens (le 25 septembre) afin de lancer un message d’appui aux Franco-Canadiens et aux Acadiens, même si sa formation politique ne présente que des candidats au Québec. Le chef a profité de ce déplacement pour présenter les engagements de son parti en matière de francophonie canadienne.

Le Bloc compte notamment appuyer des mesures pour rendre obligatoire le bilinguisme à la Cour suprême, élargir le mandat du Commissariat aux langues officielles et stimuler l’immigration francophone en plus d’élargir la liste des régions hors Québec où les fonctionnaires fédéraux peuvent travailler dans la langue officielle de leur choix. Le Bloc souhaite aussi qu’une version renouvelée de la Loi reconnaisse la différence entre la situation des minorités francophones au Canada et celle des anglophones au Québec. Aucun montant n’est prévu dans leur cadre financier pour appuyer ces mesures.