Par Michel LAGACÉ
Qu’est-ce que les électeurs avaient en tête en se rendant aux urnes le 21 octobre? Quelles préoccupations avaient-ils? Peu importe le résultat des élections, ils n’ont pas simplement voté pour appuyer un parti; ils ont contribué à consolider la vie démocratique du pays.
Quand le Canada a adopté sa Charte canadienne des droits et libertés en 1982, quelques voix solitaires ont regretté qu’on n’y ait pas inclus une section sur les responsabilités des citoyens. C’est ce que rappelle l’histoire de Dorota Blymczynska, la réfugiée polonaise arrivée au Canada il y a 30 ans, telle que racontée la semaine dernière dans La Liberté. Née dans un pays dont la population ne jouissait pas de libertés personnelles, elle reproche aux Canadiens leur complaisance envers leurs droits et libertés. Elle croit qu’avec les droits viennent les responsabilités.
Toujours la semaine dernière, le Winnipeg Free Press publiait en première page le plaidoyer de Maddison Yetman, une fille de dix-huit ans qui venait d’apprendre qu’elle était atteinte d’un cancer incurable en phase terminale. Non seulement avait-elle voté pour la première fois dans une élection fédérale, elle lançait aussi une vidéo de son lit d’hôpital. « Si je peux trouver le temps de voter, vous pouvez le faire aussi », a-t-elle déclaré sur un écriteau. Et son oncle d’expliquer qu’il s’agit d’une fille de conviction et de volonté forte.
Lorsqu’il s’agit d’expliquer l’importance de voter, on rappelle avec raison les énormes sacrifices consentis par tant de Canadiens et de Canadiennes dans deux guerres mondiales et la guerre de Corée pour assurer nos droits démocratiques. On peut aussi rappeler que, sur le territoire maintenant devenu le Canada, l’histoire de la participation à la vie publique remonte à la nuit des temps. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont tous eu leurs propres systèmes politiques, souvent égalitaires et dans lesquels les femmes pouvaient parfois jouer des rôles importants.
La Nouvelle-France, par contre, est demeurée largement antidémocratique. Après la conquête par le Royaume-Uni, il a fallu passer par les déportations et l’exécution des rebelles de 1837 et 1838, et par des émeutes et des conflits de toutes sortes pour en arriver à l’avènement d’un gouvernement responsable en 1848. Même après la création du Canada en 1867, il a fallu des décennies de luttes pour que les femmes, les Autochtones et des groupes marginalisés obtiennent le droit de vote.
La loi exprime en droit les souhaits et les aspirations de la population. Mais un droit se traduit dans les faits seulement quand il est exercé. Ainsi, lorsqu’on entre dans l’isoloir pour voter, on rend réel un droit qui a été durement obtenu. Ce faisant, on marche sur les traces de tous ceux qui ont lutté pour ce droit fondamental. Et on contribue à l’évolution d’institutions dont les origines remontent à une époque bien avant l’arrivée d’Européens sur ce territoire.