Par Michel LAGACÉ
Pendant que Justin Trudeau constitue son gouvernement et qu’Andrew Scheer choisit son cabinet fantôme, ces messieurs doivent composer avec le fait qu’ils ont tous deux perdu l’élection du 21 octobre. Leur popularité dans les sondages avait baissé tout au long de la campagne, et jamais pour une même élection les deux partis principaux n’ont attiré une part si mince des votes.
Pour certains, les conservateurs d’Andrew Scheer auraient dû gagner, tellement Justin Trudeau avait perdu l’estime de l’électorat. M. Scheer a cependant mené une campagne médiocre. Dès le premier débat en français à TVA, il a démontré qu’il ne partageait pas les valeurs de l’ensemble de l’électorat : qu’il s’agisse du droit de mourir dans la dignité, du mariage entre personnes de même sexe, de l’avortement ou des personnes LGBTQ, le chef conservateur a été incapable de se rallier au consensus social qui s’est développé au cours des dernières années. En se limitant à solidifier sa base politique, et en refusant de prendre le changement climatique au sérieux, il a voué son parti à l’échec. Des voix s’élèvent maintenant pour remettre en cause sa direction du parti.
D’autre part, après seulement quatre ans au pouvoir, les controverses entourant Justin Trudeau auraient dû vouer les libéraux à la défaite. En l’occurrence, sa majorité parlementaire s’est envolée, il a perdu des sièges dans chacune des provinces sauf les quatre de l’Île-du-Prince Édouard. Il ne lui reste aucune représentation en Saskatchewan et en Alberta, et il a récolté 240 000 votes de moins que les conservateurs. À défaut de prendre la pleine mesure des résultats de l’élection, il a déclaré triomphalement le soir des élections qu’il avait reçu un mandat clair. Rien ne pourrait être plus faux. Incapable de l’humilité et de l’introspection requises pour comprendre la situation, M. Trudeau a démontré une nouvelle fois pourquoi l’électorat avait refusé de lui accorder sa confiance.
Durant toute la campagne électorale, les Canadiens et les Canadiennes n’ont pas eu droit à des débats de fond sur leur avenir. Or, aucun parti ne peut plus obtenir le pouvoir sans une politique cohérente sur les changements climatiques. Et là, M. Scheer a été particulièrement décevant. De plus, aucun des deux partis n’a abordé sérieusement les enjeux à long terme, tels que le vieillissement de la population, la faible productivité de l’économie canadienne, les menaces économiques mondiales et l’aide que le Canada se doit d’offrir aux populations aujourd’hui déracinées par la violence et la faim.
Se contentant d’offrir une avalanche de promesses, ces deux partis ont choisi de traiter les Canadiennes et les Canadiens comme de simples consommateurs qu’il fallait séduire. S’ils nous avaient traités comme des citoyens capables de réfléchir et dignes du respect le plus élémentaire, l’électorat aurait pu faire des choix éclairés. Mais tant que ce même électorat n’insistera pas sur la tenue de débats de fond, les dirigeants politiques se contenteront de nous traiter comme des clients plutôt que des citoyens engagés. Et le prix deviendra toujours plus lourd à payer.