Par Michel LAGACÉ

Dans une tentative symbolique de renouer politiquement avec l’Ouest canadien, Justin Trudeau a choisi de réunir son conseil des ministres à Winnipeg la semaine dernière. Il se devait alors de rencontrer son homologue manitobain, Brian Pallister. Pour la troisième fois, ils ont discuté face-à-face de la taxe de carbone fédérale sans arriver à une entente définitive. M. Pallister continue à promettre de nouvelles propositions et à contester la taxe devant les tribunaux.

On se souviendra que le même Brian Pallister a fait fi de la Loi électorale du Manitoba en déclenchant des élections l’an passé, un an plus tôt que prévu par cette Loi. Il avançait comme prétexte que les Manitobains voulaient consacrer toute l’année 2020 à fêter sans distraction le 150e anniversaire de la province. Pour M. Pallister, une bonne occasion d’approfondir ses connaissances de l’histoire du Manitoba, qu’il connaît manifestement mal puisqu’il expliquait dernièrement que les habitants de la Colonie de la Rivière-Rouge avaient organisé une rébellion pour entrer dans la fédération canadienne!

Pour pallier sa fragile connaissance de l’histoire du Canada, la visite symbolique de M. Trudeau aurait pu être une occasion de rendre une autre visite tout aussi symbolique au site d’Upper Fort Garry devant l’emplacement de l’édifice qui a servi de quartier général du gouvernement provisoire de Louis Riel. Car c’est là que, jour pour jour 150 ans plus tôt, le gouvernement fédéral s’est finalement engagé à discuter de l’avenir de la région plutôt que de s’emparer unilatéralement du territoire. Ainsi, les 19 et 20 janvier 1870, devant un millier d’habitants et par une température de -20 degrés F, Louis Riel et Donald Smith, le représentant du gouvernement fédéral et le facteur en chef de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ont débattu de l’avenir du Nord-Ouest de l’Amérique du Nord.

Cette visite politique au Upper Fort Garry aurait été une occasion de souligner l’énormité des enjeux à l’époque, puisque les Américains avaient acheté l’Alaska de la Russie en 1867 et, inspirés par une présumée Manifest Destiny, ils se voulaient destinés à s’emparer de toute l’Amérique du Nord. La création du Manitoba allait permettre au Canada de se rendre maître de l’Ouest canadien et de former le pays que nous connaissons aujourd’hui. Le débat Riel-Smith a donc marqué un point tournant dans les démarches qui ont mené à la proclamation de la Loi sur le Manitoba le 15 juillet 1870.

M. Pallister aurait eu raison de vouloir consacrer toute une année à célébrer l’histoire qu’il méconnaît. Et pour ce qui est de Manitoba 150, l’organisme mis sur pied pour célébrer 150 ans d’histoire sans avoir encore réussi à en parler, une rencontre médiatisée aurait été un coup de publicité rêvé. Car insistons bien là-dessus : sans le Manitoba, le Canada d’aujourd’hui n’aurait jamais pu exister. Et Justin Trudeau n’aurait pas eu l’occasion de courtiser l’Ouest canadien.